Connaît-on
précisément les unités qui ont
stationné à Rânes entre 1940 et 1944 ?
Entre le 17 juin 1940 et le 15 août 1944, le bourg de
Rânes
se trouve en permanence occupé. La Normandie n’est
alors
qu’une vaste région
d’entraînement, de
stationnement et de repos des divisions allemandes. De nombreux soldats
sont logés dans les maisons du bourg et dans les fermes des
hameaux alentours. La monographie réalisée par le
syndicat d'initiative de Rânes en mars 1966 mentionne des
petits
groupes ou formations isolés qui se succèdent :
infanterie, services divers de la cartographie, troupes au repos avant
le départ pour le front russe, parachutistes de
Crète au
repos au château, ateliers de réparation. Mais en
fait,
nous ne connaissons aucun document qui précise quelles
unités ont stationné à
Rânes. Les archives
militaires allemandes ont été largement
détruites
en 1944 et surtout en 1945, mais il reste néanmoins quelques
fonds concernant la Feldkommandantur d’Alençon et
la
Kreiskommandantur d’Argentan ; il se pourrait donc
qu’il
existe encore quelques documents concernant les garnisons qui
stationnèrent à Rânes.
Quelques témoignages parlent d’unités
SS en repos
dans la région avant de partir pour le front russe :
« Les
soldats s’activaient à monter des radiateurs sur
leurs
camions en prévision des températures basses de
la Russie
». La
1ere
SS Panzer Division "LAH" aurait fait un passage
à
Rânes en 1942 ; son quartier général
était
en effet à Livarot d’août 1942
jusqu’à
janvier 1943, date de son départ pour Kharkov. Le hasard
voudra
que cette même division soit à la pointe des
combats de
Rânes et Fromentel contre la
Third Armored Division
entre le 13
et le 18 août 1944.
Si l’on se base sur la localisation des quartiers
généraux des divisions allemandes, il est
possible que
des éléments des unités suivantes
aient
stationné à Rânes :
216e Division
d’Infanterie (QG à Bagnoles de
l’Orne de juin 1941
à décembre 1941) et
7e Flak-Division
(QG à Flers
en avril 1942).
Source
:
Valentin Schneider,
Les
divisions allemandes en
Basse-Normandie pendant l'Occupation: étude quantitative et
qualitative (19 juin 1940 - 5 juin 1944). Caen: Annales de
Normandie,
n° 5, décembre 2005. pp. 427-458
J’ai
entendu dire que Göring est passé à
Rânes. Est-ce vrai ?
La monographie réalisée par le syndicat
d'initiative de
Rânes en mars 1966 mentionne effectivement que Hermann
Göring a passé en revue des troupes parachutistes
de
Crète au repos au château pendant que toutes les
issues du
bourg étaient gardées et les habitants
consignés.
Un témoignage d’une personne qui travaillait alors
chez
Richard, propriétaire du château à
l’époque, le confirme. Néanmoins, nous
ne disposons
d’aucun document attestant ce fait. S’il semble
assuré qu’un haut dignitaire allemand a bien
séjourné un moment au château et a
probablement
passé des troupes en revue à Rânes,
nous ne sommes
pas certain de son identité et nous ignorons la date de
cette
visite.
Y avait-il un bureau de la Gestapo
à Rânes ?
Non. La police politique
Sicherheitsdienst
Polizei ou
SD
(Gestapo) se
fixera dans l’Orne, à Alençon,
après juillet
1943. C’est le SD d’Alençon,
dirigé par Richard Reinhard, alias "Hildebrandt", avec la
bande de collaborateurs d’Argentan
dirigée par Bernard Jardin qui a conduit les arrestations
dans
la Résistance à Rânes en mai 1944.
Source
: Stéphane Robine,
Quatre
années de lutte
clandestine : les résistants du Bocage ornais.
Flers : Le Pays
Bas-Normand; tome 1, 2004, p. 138 sq.
Y avait-il
un bureau de l’Organisation Todt à Rânes
?
Oui. L’Organisation Todt avait implanté un relais
permanent situé sur la route de la
Ferté-Macé
(nous ignorons à quelle date exacte).
Combien
y avait-il de réfugiés à
Rânes de 1940 à 1944 ?
Il est impossible de donner un chiffre exact. Les
réfugiés devaient probablement être
recensés
à la Mairie, mais les archives municipales ont
brûlé à la Libération.
Néanmoins, les
témoignages
mentionnent l’arrivée d’une quarantaine
de personnes
de familles de pêcheurs de la région
d’Étaples en août 1940 ainsi que de
nombreux
réfugiés en provenance d’autres
régions du
Nord de la France et de Belgique.
L’équipe de
football de Rânes durant l’Occupation
était ainsi
constituée pour une part de jeunes
réfugiés. Il
est probable qu’il y avait une centaine de
réfugiés
au total dans le bourg et les hameaux des environs.
Vous
présentez des photos de
Rânes avant la guerre ainsi que des destructions
lors de la
Libération, mais aucune photo prise durant
l’Occupation
qui a pourtant duré quatre années. Pourquoi ?
Les appareils photos étaient rares et chers avant 1940 ; les
notables et certains commerçants en
possédaient
mais la majorité des villageois faisaient appel dans les
grandes
occasions (communions, mariages) à un photographe
professionnel.
D’autre part, durant la guerre, il était
très
difficile voire impossible - matériellement et en raison de
la
surveillance policière - de se procurer des pellicules
photographiques ; de plus, il était interdit de
photographier
sans autorisation des autorités allemandes. Il existe
néanmoins quelques photographies de mariage prises durant
l’Occupation ; rappelons aussi que
Georges Rouquier
a tourné en 1943 deux films à Rânes. Il
est
possible aussi que quelques soldats allemands de passage à
Rânes aient pris des photos, mais celles-ci seraient alors
dans
des fonds privés ou des archives familiales que nous ne
connaissons pas.
Est-il vrai que
l’aviation alliée a bombardé des
ambulances allemandes à Rânes ?
Un convoi sanitaire allemand dûment signalé par
des croix
rouges sur les toits des ambulances a effectivement
été
bombardé au hameau de La Forêterie le samedi 12
août
1944. La question se pose de savoir si ce bombardement constituait une
erreur d'identification ou s'il s'agissait d'une attaque
délibérée sur un convoi normalement
protégé. La secrétaire de mairie de
Rânes,
Denise Chevreuil, qui rentrait chez elle à bicyclette fut
malheureusement tuée lors ce bombardement et l’une
de ses
voisines, Ernestine Geret, qui la saluait au passage, sera
également blessée. On ne connaît pas le
nombre de
soldats allemands tués ou blessés lors de ce
bombardement.
J’ai entendu dire que
Rânes
avait été libéré par
l’Armée
Patton. Qu’en est-il réellement ?
Depuis le 13 août 1944 à Rânes, les
avions se font
de plus en plus présents et les canonnades se rapprochent.
Personne ne sait qui va libérer le village et de quelle
direction viendront les troupes. Les Rânais sont au courant
de
l’avance anglaise sur Caen et sur la région de
Falaise
depuis plusieurs semaines. On se tourne alors vers Fromentel, direction
d’où devrait normalement arriver cette
libération
tant attendue. Mais ce sont les Américains qui
libèreront
le village en arrivant du sud par la route de Carrouges. La
Third
Armored Division commandée depuis peu (7
août) par le
Général Maurice Rose libère donc le
village le 15
août 1944 dans l’après-midi. Cette
division faisait
partie de la
First Army
[Première Armée] commandée
par le Général Courtney Hodges, et non de la
Third Army
[Troisième Armée] commandée par le
Général George Patton. La confusion est
fréquente,
même chez les américains, probablement
à cause de
la proximité entre
Third
Army et
Third
Armored; voir à ce
sujet l’article
Pattons
vs Hodges sur le site de la
Third Armored
Division. C’est cette confusion entre un nom de
division et un
nom d’armée qui attribuera la
libération de
Rânes à tort à la
Third Army et au
fameux
Général Patton alors qu’elle revient
à la
First
Army du Général Hodges,
éternel concurrent
de Patton.
La
First Army
et la
Third Army
faisaient partie du Premier Groupe
d'Armées commandé par le
Général Omar
Bradley. La Deuxième Division Blindée du
Général Leclerc qui opérait alors
conjointement
avec la
Third Armored
Division dans la région
d'Écouché et dépendait de la
Third Army de
Patton
a d'ailleurs été intégrée
à la
First
Army de Hodges le 16 Août 1944. Dans la
rivalité
Patton/Hodges, la Libération de Paris le 25 août
1944 doit
donc être attribuée également
à une
unité qui dépendait de Hodges…
Vous écrivez que
Rânes a
été libéré le 15
août 1944. Certaines
sources mentionnent pourtant le 16 (voir note). Qui croire ?
Le bourg de Rânes a effectivement été
libéré le 15. Tous les témoignages
mentionnent
cette date, en particulier le récit de
l’abbé
Lévesque complété par Arthur Mourez
disponible
sur
ce site [format PDF]. Les documents américains
comme
Spearhead in the
West
concordent également avec cette date. Par contre, lors de sa
progression en direction de Fromentel, la
Third Armored Division
a
combattu dans la journée du 16 des
éléments
isolés dans différents hameaux de la commune
comme la
Durandière, la Noëve, la Candière
où
Léonard Guichard et Désiré Villain
furent
retrouvés avec une balle dans la tête,
probablement
exécutés par les Allemands. Le
bourg a donc bien été
libéré le 15 août,
mais l’intégralité du territoire de la
commune
n’a été libéré
que le 16 ou
peut-être même le 17.
Après la guerre les premiers recensements ont
été faits par les brigades de Gendarmerie.
Ensuite les maires ont reçu des questionnaires concernant
les
victimes, les dégâts, les prisonniers et
déportés, et notamment la date de la
libération de
la commune. Il y eût plusieurs enquêtes
d’effectuées (merci à Michel
Le Querrec pour
ces pécisions). Il est probable que les édiles de
Rânes aient alors considéré que la date
de
libération "complète" de la commune
était le 16,
ce qui explique cette "date officielle".
Note
: Voir par exemple :
«
Le 14 août, les blindés de la 3rd US AD se
heurtent aux
défenses érigées en hâte par
le groupe
Panzer Eberbach, qui s'est rassemblé pour forcer le passage
vers
l'est. Les divisions américaines resserrent leur
étau par
l'ouest et le sud, tandis que la 2` DB de Leclerc arrive de Carrouges.
Le village est libéré le 16 août par la
3rd US AD.
»
- Commandant Richard Mouton, Le piège se referme
à Chambois
in Bataille de Normandie,
Récits de témoins recueillis et
présentés par René Herval, tome 1,
Éditions de
Notre Temps, 1947
Plusieurs
témoignages affirment
qu’il y avait des soldats canadiens qui ont
participé
à la libération de Rânes.
Qu’en est-il ?
La présence de soldats parlant français peut
s’expliquer de plusieurs façons:
- De nombreux soldats canadiens,
après
s’être vu refusé leur incorporation dans
l’armée canadienne allèrent aux
Etats-Unis afin de
s’engager dans l’armée
américaine.
- On peut aussi relever que certains
Américains originaires des Etats du Vermont, Maine, New
Hampshire, Massachusetts et surtout de la Louisiane sont de descendance
québécoise ou française (une migration
importante
des Québécois ayant eu lieu entre 1900 et 1940
vers les
Etats-Unis). La langue de Molière était donc
utilisée dans ces régions.
- On retrouve aussi la
présence de
soldats canadiens (surtout officiers) incorporés
temporairement
à l’armée américaine pour
diverses raisons.
- Enfin, l’armée
américaine
pouvait recruter des Français en qualité de guide
à travers les campagnes de France.
- Notons aussi la présence
de la
2ème DB du Général Leclerc
à Vieux-Pont, Fleuré et
Écouché, des
villages situés entre 5 et 10 Km autour de Rânes.
La
Division était entièrement
équipée de
matériel américain et beaucoup de Normands les
confondaient avec les Américains avant de les entendre
parler.
Tous ces éléments expliquent sans doute la
présence de soldats francophones à
Rânes ou dans
ses proches alentours ; cependant, il n’y eût pas
d’unités canadiennes dans la région.
Pourquoi les Américains
ont-ils
bombardé Rânes les 14 et 15 août 1944
alors
qu’il n’y avait pratiquement plus
d’Allemands dans le
village ?
Deux passages du récit de l’abbé
Lévesque
La
tragique Libération de Rânes [format
PDF] montrent en effet une
incompréhension voire un certain ressentiment de la
population
après la destruction du village lors des bombardements des
14 et
15 août :
«
… nous avons la douleur de voir les
incendies se développer sur tous les points à la
fois.
Est-ce le fait de bombes et d’obus amis ou de la malveillance
des
ennemis ? On pense que les uns et les autres se partagent
l’origine de ces destructions inutiles car elles
n’avançaient guère les
opérations.
[…] Soucieux de ménager leurs effectifs, les
Américains n’avaient osé prendre le 13
au soir le
bourg de Rânes absolument dépourvu de troupes. Ils
avaient
jugé plus expéditif de le détruire
».
Le 13 août 1944, les Allemands ne comptaient guère
plus de
40 soldats défenseurs du bourg. L’avance rapide de
la
Third Armored
Division, partie le matin de Mayenne, prend les Allemands
de court. Ils organisent tout de même une défense
à
la hâte et réussissent à repousser les
premiers
éléments américains se
présentant devant le
bourg en soirée. C’est à partir de ce
guet-apens
organisé à l’entrée sud du
village et qui a
coûté la vie a plusieurs soldats que les
Américains
décident le bombardement à la fois par
l’aviation
et par l’artillerie ; décision courante
d’un
commandement probablement surpris par la résistance
après
une longue progression sans heurts sérieux et soucieux avant
tout de préserver ses propres troupes. D’autant
plus que
la situation changeait très vite ; en une
journée, les
défenses allemandes se réorganisent et le bourg
est en
voie de se transformer en bastion que la
1ere Panzer Division SS "LAH"
doit tenir coûte que coûte afin de faciliter le
repli
d’autres unités. Elle recevra pour cela
l’aide
d’éléments de la
9e Panzer Division SS
"Hohenstaufen". Les SS étaient donc bien
présents dans le
bourg de Rânes les 14 et 15 août 1944. Il est
très
probable que le commandement américain était
informé des positions et des mouvements de la
LAH et redoutait
que la prise du bourg ne devienne encore plus difficile; ces
informations ont donc certainement pesé lourd dans la
décision de bombarder le village. Rânes risquait
de voir
les effectifs SS se renforcer, et, de ce point de vue, constituait tout
de même un véritable objectif militaire ; la
Task Force X
du
Combat Command A
de la
Third Armored
Division sera d’ailleurs
encerclée à la suite de multiples contre attaques
partant
de Rânes et des hameaux proches durant la journée
du 14
août. Rappelons pour conclure que malgré les
bombardements
en question qui ont largement contribué à
empêcher
les SS de défendre le bourg, la
Third Armored Division
a perdu
plus de 90 soldats dans les combats de Rânes et Fromentel
entre
le 14 et le 19 août 1944.
Dans le film Août
1944:
Combats
à l'Ouest d'Ecouves (voir note), on compare les
destructions
intervenues à Rânes avec celles
d’Oradour. Mais
est-ce comparable ?
Certainement pas. Cette comparaison nous semble totalement
déplacée. Le massacre
d’Oradour-sur-Glane le 10
juin 1944 a fait au total 642 victimes (hommes, femmes, enfants)
sauvagement assassinés par des
éléments de la
2e
SS Panzer Division "Das Reich" ; le village totalement
détruit a
ensuite été conservé en
l’état comme
mémorial. Le bourg de Rânes a certes
été
presque entièrement détruit et l’on
déplore
une quarantaine de victimes civiles, mais de nombreux autres villages
ou villes normandes ont malheureusement connu des souffrances
identiques ou pires encore. Les historiens peuvent discuter
à
présent de l’opportunité de tel ou tel
bombardement
allié extrêmement meurtrier (sur
Saint-Lô par
exemple), mais la comparaison avec les crimes
perpétrés
à Oradour (ou en Ukraine où l’on
dénombre
des dizaines d’"Oradour") est pour le moins malheureuse. Et
encore une fois, rappelons que la
Third
Armored Division a aussi
payé un prix fort lors de ces combats (voir la question
précédente).
Note
:
Août 1944:
Combats
à l'Ouest d'Ecouves.
Réalisé par Dominique Forget. ©
Communauté de
Communes du Bocage Carrougien - Août 2004. Distribution
Zorilla
Productions
Il paraît que les
Allemands ont brûlé certaines maisons du village.
Est-ce vrai ?
En quittant Rânes le 13 août, certains soldats
allemands
ont abandonné un de leurs campements situé sous
les
pommiers de la pépinière appartenant à
l'époque au château, derrière
l'école de
filles et dont la barrière était à
l'extrémité de la rue des Cinq Martins ; ils ont
alors
mis volontairement le feu à une "barge" de fagots dans la
cour
de la maison Fleury située sur la droite de la rue en allant
vers la Mairie, à côté de chez Leroy le
charron. Le
feu a gagné les bâtiments et toute les maisons
mitoyennes,
dont la maison Jaigu, ont brûlé. Les maisons des
voisins
immédiats qui en étaient
séparées par une
rue (Gatignol en face et Besnier à
côté) n'ont pas
brûlé. Il n'y avait eu ni obus, ni bombes dans ce
pâté de maisons; tous les murs étaient
debout.
Il est possible que les Allemands aient provoqué
d’autres
incendies volontaires ailleurs, mais ce sont pourtant les bombardements
aériens et les tirs d’artillerie
américains qui
furent la principale cause des destructions du village (voir aussi
notre commentaire sur le
Plan
Medway).
Quelles unités
allemandes ont
combattu à Rânes et Fromentel contre les
Américains
au mois d’août 1944 ?
Depuis le 10 août 1944, Rânes est tenu par des
unités appartenant à la
2eme Panzer Division
(de la
Wehrmacht). Les divisions SS n’arriveront qu’aux
alentours
du 12 et 13 août 1944. La
1ère SS Panzer
Division
"Leibstandarte Adolph Hitler" est
désignée afin
d’organiser le blocus du bourg. Elle sera rejointe assez
rapidement par des éléments de la
9e SS Panzer Division
"Hohenstaufen" refluant elle aussi de la contre-attaque
manquée
sur Mortain (Opération Lüttich). Plus tard, la
10e SS
Panzer Division "Frundsberg" viendra apporter le support
de ses
blindés dans la bataille de Fromentel. Le 5ème
bataillon
du génie parachutiste tiendra aussi des positions dans et
autour
de Fromentel. Certaines unités ne faisant que passer seront
engagées sous le feu des Américains alors
qu’elles
refluaient vers la sortie de la poche. C’est ainsi
qu’un
convoi de la
116e
Panzer Division et de la
9e Panzer Division
sera
décimé au sud de Rânes.
Que
s’est-il réellement passé lors des
combats à Fromentel ?
Fromentel était un carrefour stratégique pour les
deux
belligérants. Les
1ère
et 9ème SS Panzer Division
venant d’abandonner Rânes aux Américains
se voient
confier la défense du carrefour. Les ordres du haut
commandement
allemand sont clairs : le carrefour doit rester ouvert aux
unités refluant encore de l’opération
de
contre-attaque ratée vers Mortain. Mais les deux divisions
d’élite sortent très affaiblies des
combats qui ont
précédé et les soldats en charge de la
défense du carrefour peuvent difficilement bloquer
l’avance de la
Third
Armored Division et de la
9th Infantry
Division. Les renforts de la
10e SS Panzer Division
arrivent à
point nommé pour appuyer cette défense. Les chars
et
fantassins embusqués tout au long de la route menant de
Rânes à Fromentel ralentiront la
Third Armored Division
et
lui causeront d’importantes pertes, tout en laissant le temps
aux
divisions allemandes de se réunir et de
s’organiser.
Les Américains se présentent enfin devant
Fromentel le 16
août au soir. Ils vont se heurter à un mur ; les
Task
Forces de la
Third
Armored Division sont contraintes de rester à
l’écart du carrefour et subiront encore des
pertes. Les
chars arrivent enfin à Fromentel mais les Lightnings P-38
bombarderont leurs propres troupes à deux reprises,
forçant les Américains à se replier et
offrant aux
Allemands l’opportunité de réinvestir
le carrefour.
Durant la seule journée du 17 août, le carrefour
changera
de mains 4 fois, passant tour à tour sous contrôle
américain et allemand. Les combats furent terribles,
certains au
corps à corps. Un document intitulé
Le combat loyal et
les SS, cité sur notre site, laisse entendre
qu’il y eut
probablement des exécutions sommaires de soldats SS (voir
note
ci-dessous). Pour la seule journée du 17 août, la
liste
des victimes de la
Third
Armored Division mentionne 33 tués et un
document
réalisé à Fromentel après
la guerre
mentionne au moins 25 tués allemands. Il y en eût
probablement plus dans les deux camps.
Les restes de la
1ere
Panzer Division SS "LAH" réussirent
néanmoins à s’échapper
durant la
journée de 17 et la nuit du 17 au 18 (voir le document
La fuite
de Normandie).
Les habitants de Fromentel s’étaient fort
heureusement
réfugiés dans les campagnes environnantes et
seront
préservés par ces combats. Les
bâtiments et les
maisons du carrefour furent par contre gravement endommagés.
Note
: Il faut rappeler ici que trois jours avant les combats à
Fromentel, les soldats américains avaient
été
véritablement choqués par
l’exécution de
prisonniers américains sans armes. Ces hommes du
703rd Tank
Destroyer Battalion furent retrouvés morts au
pied d’une
haie quelques heures après qu’ils aient
été
fait prisonnier par une section de combat SS infiltrée dans
les
lignes américaines à l’aube du 14
août 1944.
Sur 5 soldats prisonniers, 4 seront retrouvés avec une balle
dans la tête, l’un d’eux
réussit à
s’échapper ayant compris le sort qui lui
était
réservé. C’est donc ainsi que le 1st
Lt. John L.
Wissing, les soldats Luis Ruiz, Franck Cox et un homme du
génie
non identifié trouvèrent la mort à
Rânes.
Vous parlez de "Bataille de
Rânes-Fromentel". Est-ce que vous
n’exagérez pas
l’importance de ces combats ?
Nous avons bien sûr conscience que les combats
d’août
1944 dans la région de Rânes et Fromentel
constituent un
épisode d'une importance relativement modeste dans la
bataille de Normandie. Mais pour cette
région, ce furent les événements les
plus
importants de la Seconde Guerre Mondiale et la fermeture sud de la
Poche de Falaise à cet endroit était
décisive. Les
récits, photos, films et plans américains qui
figurent
sur notre site montrent bien à quel point ces combats furent
également importants pour la
Third Armored Division.
Avez-vous connaissance de
représailles contre des
femmes après la Libération de Rânes ?
Non. Il n’y a pas eu fort heureusement de "femmes tondues"
à Rânes.
Sources
:
Témoignages directs de Rânais et
Mémoires de Jean-Philippe Bignon (
Rânes pendant la
seconde guerre mondiale, Université de Caen,
1994) et de Claire Forget (
La
vie quotidienne durant la deuxième guerre mondiale dans le
village de Rânes, 1939-1945.
Université de Caen, 1995).
Des
collaborateurs ont-ils été
inquiétés après la
Libération de Rânes ?
Plusieurs témoignages rapportent que des croix
gammées
furent peintes peu de temps après la Libération
sur les
maisons de certains habitants du bourg. Les 4 ou 5 Rânais
visés par ces actes étaient connus pour avoir
manifesté lors de l’Occupation des opinions en
faveur du
respect de l’ordre, mais ils ne peuvent en aucun cas
être
considérés comme des collaborateurs.
[Mêmes sources que la question
précédente].
Qu’en
est-il des exécutions dont j’ai pourtant entendu
parler ?
Plus de soixante années après la guerre,
plusieurs
aspects de la résistance à Rânes et
dans les
environs restent des sujets sensibles et controversés. Nous
avons volontairement omis de relater ces faits par nous-même
afin
d’éviter toute confusion ou mauvaise
interprétation. Nous préférons
renvoyer le lecteur
intéressé aux ouvrages publiés que
nous
connaissons et qui traitent de ces sujets; voir notre page sur
La
résistance et le réseau Foccart.
Laissons donc la parole
à l’historien Stéphane Robine :
« Dans le cadre de notre étude [le Bocage Ornais],
on relève les exécutions suivantes :
- un docteur en médecine
de Briouze,
responsable départemental du parti Franciste, en juillet 1943
- Emile Buffon à
Joué-du-Plain,
aurait soi-disant donné un dépôt
d’armes (non
formellement prouvé), le 16 juin 1944
- un mineur, auteur d’une
dénonciation, le 16 août 1944 à
Saint-Clair-de-Halouze.
- François van Aerden,
dont le cadavre
criblé de balles est retrouvé le 1er septembre
1944
à la carrière de Villeneuve, à
Lougé-sur-Maire. Il aurait été puni
pour avoir
dénoncé aux Allemands le
dépôt d’armes
du groupe de Rânes. Mais l’enquête
diligentée
en 1953 émet une autre hypothèse : Van Aerden
aurait pu
être supprimé du fait qu’en sa
qualité
d’interprète de l’Organisation Todt de
Rânes,
il était au courant de certains trafics qui auraient eu lieu
avec les Allemands dans la région.
- En 1946, l’ancien
délégué à la propagande de
Vichy, et ami de
Pierre Laval, est tué à Athis par une explosion
survenue
dans l’un des bâtiments de sa ferme. Il avait
échappé à la mort en janvier 1944.
Au moins deux expéditions punitives ont
échoué. Le
17 février 1944, à Vieux-Pont, le
littérateur
"Gilles Normand", délégué à
la propagande
de Vichy et auteur d’une ode à Hitler,
échappe
à la mort. En 1946, à
Bagnoles-de-l’Orne, deux
résistants déposent une bombe au domicile
d’une
femme compromise dans la rafle d’Argentan en mai 1944. Elle
survit à l’explosion mais sa maison est totalement
détruite. »
Source
: Stéphane Robine, Quatre années de lutte
clandestine : les résistants du Bocage ornais. Flers : Le
Pays
Bas-Normand; tome 2, 2004, p. 138 sq.