La Libération de Rânes (Orne) en Août 1944  

Questions fréquentes

    
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Connaît-on précisément les unités qui ont stationné à Rânes entre 1940 et 1944 ?

Entre le 17 juin 1940 et le 15 août 1944, le bourg de Rânes se trouve en permanence occupé. La Normandie n’est alors qu’une vaste région d’entraînement, de stationnement et de repos des divisions allemandes. De nombreux soldats sont logés dans les maisons du bourg et dans les fermes des hameaux alentours. La monographie réalisée par le syndicat d'initiative de Rânes en mars 1966 mentionne des petits groupes ou formations isolés qui se succèdent : infanterie, services divers de la cartographie, troupes au repos avant le départ pour le front russe, parachutistes de Crète au repos au château, ateliers de réparation. Mais en fait, nous ne connaissons aucun document qui précise quelles unités ont stationné à Rânes. Les archives militaires allemandes ont été largement détruites en 1944 et surtout en 1945, mais il reste néanmoins quelques fonds concernant la Feldkommandantur d’Alençon et la Kreiskommandantur d’Argentan ; il se pourrait donc qu’il existe encore quelques documents concernant les garnisons qui stationnèrent à Rânes.
Quelques témoignages parlent d’unités SS en repos dans la région avant de partir pour le front russe : « Les soldats s’activaient à monter des radiateurs sur leurs camions en prévision des températures basses de la Russie ». La 1ere SS Panzer Division "LAH" aurait fait un passage à Rânes en 1942 ; son quartier général était en effet à Livarot d’août 1942 jusqu’à janvier 1943, date de son départ pour Kharkov. Le hasard voudra que cette même division soit à la pointe des combats de Rânes et Fromentel contre la Third Armored Division entre le 13 et le 18 août 1944.
Si l’on se base sur la localisation des quartiers généraux des divisions allemandes, il est possible que des éléments des unités suivantes aient stationné à Rânes : 216e Division d’Infanterie (QG à Bagnoles de l’Orne de juin 1941 à décembre 1941) et 7e Flak-Division (QG à Flers en avril 1942).

Source : Valentin Schneider, Les divisions allemandes en Basse-Normandie pendant l'Occupation: étude quantitative et qualitative (19 juin 1940 - 5 juin 1944). Caen: Annales de Normandie, n° 5, décembre 2005. pp. 427-458


J’ai entendu dire que Göring est passé à Rânes. Est-ce vrai ?

La monographie réalisée par le syndicat d'initiative de Rânes en mars 1966 mentionne effectivement que Hermann Göring a passé en revue des troupes parachutistes de Crète au repos au château pendant que toutes les issues du bourg étaient gardées et les habitants consignés. Un témoignage d’une personne qui travaillait alors chez Richard, propriétaire du château à l’époque, le confirme. Néanmoins, nous ne disposons d’aucun document attestant ce fait. S’il semble assuré qu’un haut dignitaire allemand a bien séjourné un moment au château et a probablement passé des troupes en revue à Rânes, nous ne sommes pas certain de son identité et nous ignorons la date de cette visite.


Y avait-il un bureau de la Gestapo à Rânes ?

Non. La police politique Sicherheitsdienst Polizei ou SD (Gestapo) se fixera dans l’Orne, à Alençon, après juillet 1943. C’est le SD d’Alençon, dirigé par Richard Reinhard, alias "Hildebrandt", avec la bande de collaborateurs d’Argentan dirigée par Bernard Jardin qui a conduit les arrestations dans la Résistance à Rânes en mai 1944.

Source : Stéphane Robine, Quatre années de lutte clandestine : les résistants du Bocage ornais. Flers : Le Pays Bas-Normand; tome 1, 2004, p. 138 sq.


Y avait-il un bureau de l’Organisation Todt à Rânes ?

Oui. L’Organisation Todt avait implanté un relais permanent situé sur la route de la Ferté-Macé (nous ignorons à quelle date exacte).


Combien y avait-il de réfugiés à Rânes de 1940 à 1944 ?

Il est impossible de donner un chiffre exact. Les réfugiés devaient probablement être recensés à la Mairie, mais les archives municipales ont brûlé à la Libération. Néanmoins, les témoignages mentionnent l’arrivée d’une quarantaine de personnes de familles de pêcheurs de la région d’Étaples en août 1940 ainsi que de nombreux réfugiés en provenance d’autres régions du Nord de la France et de Belgique.  L’équipe de football de Rânes durant l’Occupation était ainsi constituée pour une part de jeunes réfugiés. Il est probable qu’il y avait une centaine de réfugiés au total dans le bourg et les hameaux des environs.


Vous présentez des photos de Rânes avant la guerre ainsi que des destructions lors de la Libération, mais aucune photo prise durant l’Occupation qui a pourtant duré quatre années. Pourquoi ?

Les appareils photos étaient rares et chers avant 1940 ; les notables et certains commerçants en possédaient mais la majorité des villageois faisaient appel dans les grandes occasions (communions, mariages) à un photographe professionnel. D’autre part, durant la guerre, il était très difficile voire impossible - matériellement et en raison de la surveillance policière - de se procurer des pellicules photographiques ; de plus, il était interdit de photographier sans autorisation des autorités allemandes. Il existe néanmoins quelques photographies de mariage prises durant l’Occupation ; rappelons aussi que Georges Rouquier a tourné en 1943 deux films à Rânes. Il est possible aussi que quelques soldats allemands de passage à Rânes aient pris des photos, mais celles-ci seraient alors dans des fonds privés ou des archives familiales que nous ne connaissons pas.


Est-il vrai que l’aviation alliée a bombardé des ambulances allemandes à Rânes ?

Un convoi sanitaire allemand dûment signalé par des croix rouges sur les toits des ambulances a effectivement été bombardé au hameau de La Forêterie le samedi 12 août 1944. La question se pose de savoir si ce bombardement constituait une erreur d'identification ou s'il s'agissait d'une attaque délibérée sur un convoi normalement protégé. La secrétaire de mairie de Rânes, Denise Chevreuil, qui rentrait chez elle à bicyclette fut malheureusement tuée lors ce bombardement et l’une de ses voisines, Ernestine Geret, qui la saluait au passage, sera également blessée. On ne connaît pas le nombre de soldats allemands tués ou blessés lors de ce bombardement.


J’ai entendu dire que Rânes avait été libéré par l’Armée Patton. Qu’en est-il réellement ?

Depuis le 13 août 1944 à Rânes, les avions se font de plus en plus présents et les canonnades se rapprochent. Personne ne sait qui va libérer le village et de quelle direction viendront les troupes. Les Rânais sont au courant de l’avance anglaise sur Caen et sur la région de Falaise depuis plusieurs semaines. On se tourne alors vers Fromentel, direction d’où devrait normalement arriver cette libération tant attendue. Mais ce sont les Américains qui libèreront le village en arrivant du sud par la route de Carrouges. La Third Armored Division commandée depuis peu (7 août) par le Général Maurice Rose libère donc le village le 15 août 1944 dans l’après-midi. Cette division faisait partie de la First Army [Première Armée] commandée par le Général Courtney Hodges, et non de la Third Army [Troisième Armée] commandée par le Général George Patton. La confusion est fréquente, même chez les américains, probablement à cause de la proximité entre Third Army et Third Armored; voir à ce sujet l’article Pattons vs Hodges sur le site de la Third Armored Division. C’est cette confusion entre un nom de division et un nom d’armée qui attribuera la libération de Rânes à tort à la Third Army et au fameux Général Patton alors qu’elle revient à la First Army du Général Hodges, éternel concurrent de Patton.
La First Army et la Third Army faisaient partie du Premier Groupe d'Armées commandé par le Général Omar Bradley. La Deuxième Division Blindée du Général Leclerc qui opérait alors conjointement avec la Third Armored Division dans la région d'Écouché et dépendait de la Third Army de Patton a d'ailleurs été intégrée à la First Army de Hodges le 16 Août 1944. Dans la rivalité Patton/Hodges, la Libération de Paris le 25 août 1944 doit donc être attribuée également à une unité qui dépendait de Hodges…


Vous écrivez que Rânes a été libéré le 15 août 1944. Certaines sources mentionnent pourtant le 16 (voir note). Qui croire ?

Le bourg de Rânes a effectivement été libéré le 15. Tous les témoignages mentionnent cette date, en particulier le récit de l’abbé Lévesque complété par Arthur Mourez disponible sur ce site [format PDF]. Les documents américains comme Spearhead in the West concordent également avec cette date. Par contre, lors de sa progression en direction de Fromentel, la Third Armored Division a combattu dans la journée du 16 des éléments isolés dans différents hameaux de la commune comme la Durandière, la Noëve, la Candière où Léonard Guichard et Désiré Villain furent retrouvés avec une balle dans la tête, probablement exécutés par les Allemands. Le bourg a donc bien été libéré le 15 août, mais l’intégralité du territoire de la commune n’a été libéré que le 16 ou peut-être même le 17.
Après la guerre les premiers recensements ont été faits par les brigades de Gendarmerie.
Ensuite les maires ont reçu des questionnaires concernant les victimes, les dégâts, les prisonniers et déportés, et notamment la date de la libération de la commune. Il y eût plusieurs enquêtes d’effectuées (merci à Michel Le Querrec pour ces pécisions). Il est probable que les édiles de Rânes aient alors considéré que la date de libération "complète" de la commune était le 16, ce qui explique cette "date officielle".

Note : Voir par exemple :
« Le 14 août, les blindés de la 3rd US AD se heurtent aux défenses érigées en hâte par le groupe Panzer Eberbach, qui s'est rassemblé pour forcer le passage vers l'est. Les divisions américaines resserrent leur étau par l'ouest et le sud, tandis que la 2` DB de Leclerc arrive de Carrouges. Le village est libéré le 16 août par la 3rd US AD. »
  • Commandant Richard Mouton, Le piège se referme à Chambois
    in Bataille de Normandie, Récits de témoins recueillis et présentés par René Herval, tome 1, Éditions de Notre Temps, 1947


Plusieurs témoignages affirment qu’il y avait des soldats canadiens qui ont participé à la libération de Rânes. Qu’en est-il ?

La présence de soldats parlant français peut s’expliquer de plusieurs façons:
  • De nombreux soldats canadiens, après s’être vu refusé leur incorporation dans l’armée canadienne allèrent aux Etats-Unis afin de s’engager dans l’armée américaine.
  • On peut aussi relever que certains Américains originaires des Etats du Vermont, Maine, New Hampshire, Massachusetts et surtout de la Louisiane sont de descendance québécoise ou française (une migration importante des Québécois ayant eu lieu entre 1900 et 1940 vers les Etats-Unis). La langue de Molière était donc utilisée dans ces régions.
  • On retrouve aussi la présence de soldats canadiens (surtout officiers) incorporés temporairement à l’armée américaine pour diverses raisons.
  • Enfin, l’armée américaine pouvait recruter des Français en qualité de guide à travers les campagnes de France.
  • Notons aussi la présence de la 2ème DB du Général Leclerc à Vieux-Pont, Fleuré et Écouché, des villages situés entre 5 et 10 Km autour de Rânes. La Division était entièrement équipée de matériel américain et beaucoup de Normands les confondaient avec les Américains avant de les entendre parler.
Tous ces éléments expliquent sans doute la présence de soldats francophones à Rânes ou dans ses proches alentours ; cependant, il n’y eût pas d’unités canadiennes dans la région.


Pourquoi les Américains ont-ils bombardé Rânes les 14 et 15 août 1944 alors qu’il n’y avait pratiquement plus d’Allemands dans le village ?

Deux passages du récit de l’abbé Lévesque La tragique Libération de Rânes [format PDF] montrent en effet une incompréhension voire un certain ressentiment de la population après la destruction du village lors des bombardements des 14 et 15 août :
« … nous avons la douleur de voir les incendies se développer sur tous les points à la fois. Est-ce le fait de bombes et d’obus amis ou de la malveillance des ennemis ? On pense que les uns et les autres se partagent l’origine de ces destructions inutiles car elles n’avançaient guère les opérations. […] Soucieux de ménager leurs effectifs, les Américains n’avaient osé prendre le 13 au soir le bourg de Rânes absolument dépourvu de troupes. Ils avaient jugé plus expéditif de le détruire ».
Le 13 août 1944, les Allemands ne comptaient guère plus de 40 soldats défenseurs du bourg. L’avance rapide de la Third Armored Division, partie le matin de Mayenne, prend les Allemands de court. Ils organisent tout de même une défense à la hâte et réussissent à repousser les premiers éléments américains se présentant devant le bourg en soirée. C’est à partir de ce guet-apens organisé à l’entrée sud du village et qui a coûté la vie a plusieurs soldats que les Américains décident le bombardement à la fois par l’aviation et par l’artillerie ; décision courante d’un commandement probablement surpris par la résistance après une longue progression sans heurts sérieux et soucieux avant tout de préserver ses propres troupes. D’autant plus que la situation changeait très vite ; en une journée, les défenses allemandes se réorganisent et le bourg est en voie de se transformer en bastion que la 1ere Panzer Division SS "LAH" doit tenir coûte que coûte afin de faciliter le repli d’autres unités. Elle recevra pour cela l’aide d’éléments de la 9e Panzer Division SS "Hohenstaufen". Les SS étaient donc bien présents dans le bourg de Rânes les 14 et 15 août 1944. Il est très probable que le commandement américain était informé des positions et des mouvements de la LAH et redoutait que la prise du bourg ne devienne encore plus difficile; ces informations ont donc certainement pesé lourd dans la décision de bombarder le village. Rânes risquait de voir les effectifs SS se renforcer, et, de ce point de vue, constituait tout de même un véritable objectif militaire ; la Task Force X du Combat Command A de la Third Armored Division sera d’ailleurs encerclée à la suite de multiples contre attaques partant de Rânes et des hameaux proches durant la journée du 14 août. Rappelons pour conclure que malgré les bombardements en question qui ont largement contribué à empêcher les SS de défendre le bourg, la Third Armored Division a perdu plus de 90 soldats dans les combats de Rânes et Fromentel entre le 14 et le 19 août 1944.


Dans le film Août 1944: Combats à l'Ouest d'Ecouves (voir note), on compare les destructions intervenues à Rânes avec celles d’Oradour. Mais est-ce comparable ?

Certainement pas. Cette comparaison nous semble totalement déplacée. Le massacre d’Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944 a fait au total 642 victimes (hommes, femmes, enfants) sauvagement assassinés par des éléments de la 2e SS Panzer Division "Das Reich" ; le village totalement détruit a ensuite été conservé en l’état comme mémorial. Le bourg de Rânes a certes été presque entièrement détruit et l’on déplore une quarantaine de victimes civiles, mais de nombreux autres villages ou villes normandes ont malheureusement connu des souffrances identiques ou pires encore. Les historiens peuvent discuter à présent de l’opportunité de tel ou tel bombardement allié extrêmement meurtrier (sur Saint-Lô par exemple), mais la comparaison avec les crimes perpétrés à Oradour (ou en Ukraine où l’on dénombre des dizaines d’"Oradour") est pour le moins malheureuse. Et encore une fois, rappelons que la Third Armored Division a aussi payé un prix fort lors de ces combats (voir la question précédente).

Note : Août 1944: Combats à l'Ouest d'Ecouves. Réalisé par Dominique Forget. © Communauté de Communes du Bocage Carrougien - Août 2004. Distribution Zorilla Productions


Il paraît que les Allemands ont brûlé certaines maisons du village. Est-ce vrai ?

En quittant Rânes le 13 août, certains soldats allemands ont abandonné un de leurs campements situé sous les pommiers de la pépinière appartenant à l'époque au château, derrière l'école de filles et dont la barrière était à l'extrémité de la rue des Cinq Martins ; ils ont alors mis volontairement le feu à une "barge" de fagots dans la cour de la maison Fleury située sur la droite de la rue en allant vers la Mairie, à côté de chez Leroy le charron. Le feu a gagné les bâtiments et toute les maisons mitoyennes, dont la maison Jaigu, ont brûlé. Les maisons des voisins immédiats qui en étaient séparées par une rue (Gatignol en face et Besnier à côté) n'ont pas brûlé. Il n'y avait eu ni obus, ni bombes dans ce pâté de maisons; tous les murs étaient debout.
Il est possible que les Allemands aient provoqué d’autres incendies volontaires ailleurs, mais ce sont pourtant les bombardements aériens et les tirs d’artillerie américains qui furent la principale cause des destructions du village (voir aussi notre commentaire sur le Plan Medway).


Quelles unités allemandes ont combattu à Rânes et Fromentel contre les Américains au mois d’août 1944 ?

Depuis le 10 août 1944, Rânes est tenu par des unités appartenant à la 2eme Panzer Division (de la Wehrmacht). Les divisions SS n’arriveront qu’aux alentours du 12 et 13 août 1944. La 1ère SS Panzer Division "Leibstandarte Adolph Hitler" est désignée afin d’organiser le blocus du bourg. Elle sera rejointe assez rapidement par des éléments de la 9e SS Panzer Division "Hohenstaufen" refluant elle aussi de la contre-attaque manquée sur Mortain (Opération Lüttich). Plus tard, la 10e SS Panzer Division "Frundsberg" viendra apporter le support de ses blindés dans la bataille de Fromentel. Le 5ème bataillon du génie parachutiste tiendra aussi des positions dans et autour de Fromentel. Certaines unités ne faisant que passer seront engagées sous le feu des Américains alors qu’elles refluaient vers la sortie de la poche. C’est ainsi qu’un convoi de la 116e Panzer Division et de la 9e Panzer Division sera décimé au sud de Rânes.


Que s’est-il réellement passé lors des combats à Fromentel ?

Fromentel était un carrefour stratégique pour les deux belligérants. Les 1ère et 9ème SS Panzer Division venant d’abandonner Rânes aux Américains se voient confier la défense du carrefour. Les ordres du haut commandement allemand sont clairs : le carrefour doit rester ouvert aux unités refluant encore de l’opération de contre-attaque ratée vers Mortain. Mais les deux divisions d’élite sortent très affaiblies des combats qui ont précédé et les soldats en charge de la défense du carrefour peuvent difficilement bloquer l’avance de la Third Armored Division et de la 9th Infantry Division. Les renforts de la 10e SS Panzer Division arrivent à point nommé pour appuyer cette défense. Les chars et fantassins embusqués tout au long de la route menant de Rânes à Fromentel ralentiront la Third Armored Division et lui causeront d’importantes pertes, tout en laissant le temps aux divisions allemandes de se réunir et de s’organiser.
Les Américains se présentent enfin devant Fromentel le 16 août au soir. Ils vont se heurter à un mur ; les Task Forces de la Third Armored Division sont contraintes de rester à l’écart du carrefour et subiront encore des pertes. Les chars arrivent enfin à Fromentel mais les Lightnings P-38 bombarderont leurs propres troupes à deux reprises, forçant les Américains à se replier et offrant aux Allemands l’opportunité de réinvestir le carrefour. Durant la seule journée du 17 août, le carrefour changera de mains 4 fois, passant tour à tour sous contrôle américain et allemand. Les combats furent terribles, certains au corps à corps. Un document intitulé Le combat loyal et les SS, cité sur notre site, laisse entendre qu’il y eut probablement des exécutions sommaires de soldats SS (voir note ci-dessous). Pour la seule journée du 17 août, la liste des victimes de la Third Armored Division mentionne 33 tués et un document réalisé à Fromentel après la guerre mentionne au moins 25 tués allemands. Il y en eût probablement plus dans les deux camps.
Les restes de la 1ere Panzer Division SS "LAH" réussirent néanmoins à s’échapper durant la journée de 17 et la nuit du 17 au 18 (voir le document La fuite de Normandie).
Les habitants de Fromentel s’étaient fort heureusement réfugiés dans les campagnes environnantes et seront préservés par ces combats. Les bâtiments et les maisons du carrefour furent par contre gravement endommagés.
Note : Il faut rappeler ici que trois jours avant les combats à Fromentel, les soldats américains avaient été véritablement choqués par l’exécution de prisonniers américains sans armes. Ces hommes du 703rd Tank Destroyer Battalion furent retrouvés morts au pied d’une haie quelques heures après qu’ils aient été fait prisonnier par une section de combat SS infiltrée dans les lignes américaines à l’aube du 14 août 1944. Sur 5 soldats prisonniers, 4 seront retrouvés avec une balle dans la tête, l’un d’eux réussit à s’échapper ayant compris le sort qui lui était réservé. C’est donc ainsi que le 1st Lt. John L. Wissing, les soldats Luis Ruiz, Franck Cox et un homme du génie non identifié trouvèrent la mort à Rânes.


Vous parlez de "Bataille de Rânes-Fromentel". Est-ce que vous n’exagérez pas l’importance de ces combats ?

Nous avons bien sûr conscience que les combats d’août 1944 dans la région de Rânes et Fromentel constituent un épisode d'une importance relativement modeste dans la bataille de Normandie. Mais pour cette région, ce furent les événements les plus importants de la Seconde Guerre Mondiale et la fermeture sud de la Poche de Falaise à cet endroit était décisive. Les récits, photos, films et plans américains qui figurent sur notre site montrent bien à quel point ces combats furent également importants pour la Third Armored Division.


Avez-vous connaissance de représailles contre des femmes après la Libération de Rânes ?

Non. Il n’y a pas eu fort heureusement de "femmes tondues" à Rânes.
Sources : Témoignages directs de Rânais et Mémoires de Jean-Philippe Bignon (Rânes pendant la seconde guerre mondiale, Université de Caen, 1994) et de Claire Forget (La vie quotidienne durant la deuxième guerre mondiale dans le village de Rânes, 1939-1945. Université de Caen, 1995).


Des collaborateurs ont-ils été inquiétés après la Libération de Rânes ?

Plusieurs témoignages rapportent que des croix gammées furent peintes peu de temps après la Libération sur les maisons de certains habitants du bourg. Les 4 ou 5 Rânais visés par ces actes étaient connus pour avoir manifesté lors de l’Occupation des opinions en faveur du respect de l’ordre, mais ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des collaborateurs.
[Mêmes sources que la question précédente].


Qu’en est-il des exécutions dont j’ai pourtant entendu parler ?

Plus de soixante années après la guerre, plusieurs aspects de la résistance à Rânes et dans les environs restent des sujets sensibles et controversés. Nous avons volontairement omis de relater ces faits par nous-même afin d’éviter toute confusion ou mauvaise interprétation. Nous préférons renvoyer le lecteur intéressé aux ouvrages publiés que nous connaissons et qui traitent de ces sujets; voir notre page sur La résistance et le réseau Foccart. Laissons donc la parole à l’historien Stéphane Robine :
« Dans le cadre de notre étude [le Bocage Ornais], on relève les exécutions suivantes :
  • un docteur en médecine de Briouze, responsable départemental du parti Franciste, en juillet 1943
  • Emile Buffon à Joué-du-Plain, aurait soi-disant donné un dépôt d’armes (non formellement prouvé), le 16 juin 1944
  • un mineur, auteur d’une dénonciation, le 16 août 1944 à Saint-Clair-de-Halouze.
  • François van Aerden, dont le cadavre criblé de balles est retrouvé le 1er septembre 1944 à la carrière de Villeneuve, à Lougé-sur-Maire. Il aurait été puni pour avoir dénoncé aux Allemands le dépôt d’armes du groupe de Rânes. Mais l’enquête diligentée en 1953 émet une autre hypothèse : Van Aerden aurait pu être supprimé du fait qu’en sa qualité d’interprète de l’Organisation Todt de Rânes, il était au courant de certains trafics qui auraient eu lieu avec les Allemands dans la région.
  • En 1946, l’ancien délégué à la propagande de Vichy, et ami de Pierre Laval, est tué à Athis par une explosion survenue dans l’un des bâtiments de sa ferme. Il avait échappé à la mort en janvier 1944.
Au moins deux expéditions punitives ont échoué. Le 17 février 1944, à Vieux-Pont, le littérateur "Gilles Normand", délégué à la propagande de Vichy et auteur d’une ode à Hitler, échappe à la mort. En 1946, à Bagnoles-de-l’Orne, deux résistants déposent une bombe au domicile d’une femme compromise dans la rafle d’Argentan en mai 1944. Elle survit à l’explosion mais sa maison est totalement détruite. »

Source : Stéphane Robine, Quatre années de lutte clandestine : les résistants du Bocage ornais. Flers : Le Pays Bas-Normand; tome 2, 2004, p. 138 sq.