La Libération de Rânes (Orne) en Août 1944  

La bataille de Rânes-Fromentel

    
 www.ranes1944.org 

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« Les réfugiés arrivent de Loucé et d'Écouché par leurs propres moyens. Le 10 août, par suite de l'avance américaine, l'évacuation vers la Mayenne est brutalement stoppée sans avis officiel. A ce moment surgit un désordre indescriptible dans la marche de la colonne. Les communes limitrophes de la Mayenne essaient de refluer les réfugiés vers le Nord, ne pouvant les nourrir. Les communes du Nord non informées continuent leur évacuation. Rânes reçoit des évacués par toutes ses routes. Le défilé est ininterrompu du matin au soir. Aux demandes pressantes des évacués nous conseillons faiblement Boucé-Mortrée au centre du département.»

70. Arch. Calv., R 2156, rapport de Mlle Bocciarelli, auxiliaire sociale à Rânes, pour la période du 18 juillet au 18 septembre 1944.
Source page 108 de
La libération du Calvados, Conseil Général du Calvados, Direction des Archives, 1994


Rânes-Fromentel

De durs combats éclatèrent près de Pré-en-Pail. Dans la soirée du 14 août, Carrouges donnait l’image de la guerre sous son visage le plus sinistre. Le nombre de véhicules allemands sur la route témoignait de l’efficacité de la Spearhead [le surnom de la Third Armored Division].

Le long de la route de Carrouges à Rânes, les blindés de chaque bord avaient souffert. Les Panzer et les Sherman étaient abandonnés, détruits et en feu, le long de ce cruel boulevard. L’odeur de la mort et les flammes emplissaient l’air. Les maisons françaises brûlaient, menaçantes, et les avions lâchaient des projectiles sur la colonne.

La Task Force Richardson atteignit les abords de Rânes la nuit. Il y avait un minimum de mitraillage. Les hommes du commandement ne suspectaient pas que dans la soirée se déroulerait une des pires batailles dont ils avaient eut l'expérience jusqu’à présent.

Sur le flan gauche, la Task Force Doan qui entourait Joué-du-Bois engagea le combat avec des troupes allemandes durant la nuit et monta le matin prendre Rânes.

Le contrepoids du Combat Command Hickley avec un bataillon du 60ème régiment d’Infanterie engagea les opérations de nettoyage. Les contre-attaques des 1er et 9ème SS Panzer Divisions furent repoussées avec de sévères pertes pour l’ennemi.

L’avance vers le nord était achevée. Les canons et l’artillerie empêchaient de progresser. Les soldats à Rânes-Fromentel étaient les meilleurs qu’Hitler pouvait engager sur le terrain. Ils se sont bien battus, mais nous nous sommes mieux battus qu’eux.

Extrait de "Call Me Spearhead" livret de 32 pages publié pour la première fois à l’automne juste avant la bataille des Ardennes; disponible sur le site www.3ad.com
traduit par Patrick Peccatte


La bataille de Rânes-Fromentel

La journée du 14 août 1944 a vu se dérouler l’un des combats les plus difficile de la campagne de Normandie durant la bataille d’Argentan-Falaise. Les unités d’élite SS étaient bien retranchées et préparées à se défendre quand nos forces ont levé le camp au début du jour. Le Colonel Richardson (Task Force "Y"), essayant de rejoindre la Task Force "X" à Rânes, a rencontré un véritable mur de résistance aux alentours de Joué-du-Bois ; il a contourné la ville et était à mi-chemin de Rânes dans la soirée. La Task Force "X", qui était plus près de l’endroit disputé, était non seulement incapable de mener une attaque, mais faisait tout pour repousser les contre-attaques répétées des éléments d’élite des 1ère et 9ème Panzer Divisions. Une fois de plus, tous les homme du Combat Command, y compris les officiers et les cuisiniers, menèrent une bataille rapprochée contre un ennemi fanatique. Jerry [le surnom des Allemands] utilisait des concentrations lourdes d’artillerie et des tirs d’assaut sur les positions défensives, et ses équipes d’infanterie infiltrées étaient très performantes. Le commandement du général Hickey qui était situé à faible distance derrière les chars était continuellement sous le feu. La Compagnie "A" du 703ème Bataillon de Destruction des Chars (Tank Destroyer Battalion) qui maintenait des barrages à la jonction de la route et du rail, fut prise sous une forte attaque mais réussit à mettre hors d’usage trois chars et à tenir en échec les grenadiers qui accompagnaient les Panzer.

Une bataille violente a fait rage toute la journée dans les environs. L’artillerie mobile des 54ème et 64ème Bataillons d’Artillerie Blindée de Campagne (Armored Field Artillery Battalions) réduisit au silence un grand nombre de batteries allemandes et pilonna sans merci des points forts ; mais l’ennemi tenait encore bon et infligea de lourdes pertes pour chaque pouce de terrain qu’il cédait.

Dans la soirée du 14 août, le Combat Command était encore isolé. L’équipe médicale et les chirurgiens des unités travaillaient sans cesse et maudissaient le destin qui leur empêchait le passage vers l’arrière pour évacuer les morts et blessés. Des soldats agonisaient parce que leur transport vers les équipements hospitaliers était impossible ; et pourtant, malgré ces terribles conditions, les médecins sauvaient des vies. Les tankistes et l’infanterie de première ligne ne tarissent pas d’éloge sur ces braves soldats qui méprisaient le feu et l’acier pour évacuer les blessés. Ce ne fut pas une surprise que les hommes de la section d’aide médicale du 32ème Régiment Blindé reçurent une Distinction pour toute l’Unité (Distinguished Unit Citation) comme résultat direct de leur travail héroïque lors de cette journée et des jours suivants à Rânes-Fromentel.

Le sort de la guerre semblait également partagé durant cette journée du 14 août. Au dessus, les Thunderbolts et les Lightnings du support aérien mitraillaient et bombardaient l’ennemi proche. L’un des incidents malheureux de la guerre se produisit quand un P-47, essayant d’attaquer les forces allemandes situées dans un champ en avant des chars américains, lâcha accidentellement une bombe trop près. Plusieurs GI furent sérieusement blessés et l’un deux fut tué sur le champ. Une autre bombe tomba à 50 yards du poste de commandement du général Hickey et blessa aussi un certain nombre de soldats. Les mécanismes de largage défectueux sur les avions furent considérés comme la principale raison de ces faits.

Pendant que le Combat Command A (CCA) se battait âprement pour tenir ses positions, le 3ème Bataillon du 33ème Régiment Blindé avait changé de direction en un large et puissant crochet gauche vers Rânes, et la Division de Réserve commençait à attaquer Joué-du-Bois. Le CCB détruisait La Motte Fouquet [ndt, écrit : La Mone Fouquet] et continuait à progresser contre une forte résistance. Durant la journée, le CCB a capturé plus de 1000 prisonniers et détruit 16 chars. Les hommes du Général Hickey, bien qu’encerclés, étaient néanmoins en train de devenir maîtres de la situation. Les tirs d’obus de l’ennemi étaient en diminution sous la pression continuelle de l’artillerie de la Division et chaque contre-attaque de l’infanterie était repoussée avec de lourdes pertes. Les geôles étaient pleines à craquer de prisonniers Nazis défaits et la mort régnait partout.

Même battu, le soldat allemand à Rânes-Fromentel était un bon soldat. C’était un combattant de première classe et les troupes de notre division respectaient sa bravoure autant qu’ils ne pouvaient pas le blairer. Dans la soirée du 15 août, une patrouille de combat SS poursuivait son chemin dans les positions du 703ème Bataillon Destructeur de Chars (Tank Destroyer Battalion) et captura un officier populaire et très sympathique ainsi que deux de ses gardes et deux ingénieurs soldats. A l’exception de l’un des ingénieurs qui réussit à s’échapper, tous ces hommes furent retrouvés plus tard exécutés. De tels faits n’engendraient aucun esprit sportif ou pitié entre les troupes Américaines et Allemandes opposées.

Le jour suivant vit également de lourds combats. La Task Force "X" s’enfonça en avant et fit de lents progrès vers l’objectif, Fromentel. Les chars ennemis, cachés dans des creux, surprirent la colonne et presque immédiatement détruisirent quatre chars Sherman et le véhicule de commandement de la Compagnie "G" dans lequel le Capitaine Cyril Andersen perdit une jambe. L’attaque ne progressait pas bien.

Pendant ce temps, le reste de la division s’était frayé un chemin à travers une âpre résistance et, à la tombée de la nuit, avait percé et s’était regroupé dans les environs de Rânes. Il y avait plus de combats difficiles en avant, mais au moins les lignes de communication avec l’arrière étaient nettoyées des Jerry.

Dans la soirée du 16 août, la "Spearhead" [surnom de la Division] lança une attaque coordonnée vers Fromentel. Les routes étaient pour la plupart impraticables et les task forces utilisaient des bulldozers et sillonnaient la campagne. Le Sergent William Albert, un grand tankiste du 32ème, chevauchait la lame d’un bull à travers l’attaque, recherchant un passage pour son conducteur et faisant feu sur une batterie allemande d’infanterie.

Les mitraillages et l’artillerie allemandes contestaient chaque pouce de terrain sur la route. Les fusées (screeming meemies [ndt, Nebelwerfer : obus tirés du canon de 88mm qui volaient si vite qu’on ne les entendaient jamais arriver]) hurlaient dans les positions avancées de la Division et le claquement de fouet du 88 couvrait le bruit continu des petites armes à feu.

Le 17 août, des éléments du Combat Command A (CCA) avaient atteint Fromentel par l’est tandis que le CCB était encore immobilisé par un feu violent au sud-ouest de la ville. Après que la zone ait été pratiquement nettoyée, le CCA était guidé par des bombardiers P-38 qui larguaient leurs bombes trop près à leur goût ; mais les hommes de Hickey revinrent pour prendre la ville à nouveau aux quelques unités ennemies qui subsistaient. Une fois encore, les Lightnings bombardaient le commandement, et les soldats de la "Spearhead" commencèrent à esquiver et chercher des trous de renards quand ils virent les doubles canons approcher.

Extrait de Spearhead in the West 
3rd Armored Division's 260-Page WWII History - Published in 1946, sur le site www.3ad.com
traduit par Patrick Peccatte

La course à travers la France

  • 14 août 1944
    Le bataillon reste en position de support général du CCA. Les forces à Rânes sécurisaient les routes de Rânes et les Task Force 1 et 2 du CCB firent mouvement depuis Carrouges. A 23 heures, le 391ème Groupement était affecté au CCB et cette unité reçut l’ordre d’avancer et d’assister la prise et la sécurisation des intersections principales à Fromentel, puis d’attaquer au nord et au sud pour sécuriser la ligne riveraine dans les environs de Bernay-sur-Orne [près de Batilly] et d’Ecouché.
  • 15 août 1944
    Le 391ème Groupement était en support direct des Task Force 1 et 2 du CCB lors de leur attaque pour prendre Fromentel. Durant la journée, plusieurs missions embrasèrent les environs des lacs au sud-ouest de La Barbelière selon l’observateur du 54ème d'Artillerie Blindé de Campagne. Un char était mentionné comme étant en feu. Durant cette journée se déroulèrent également 6 missions harassantes, une de préparation, 5 contre des canons anti-char, une contre une batterie ennemie, sept d’infanterie, une mission sur un village occupé par l’ennemi, et une mission de barrage. Le commandement de la Batterie fit un prisonnier l’après-midi. Dans la soirée, le Bataillon prit position au Ménil-Angot pour la nuit.
  • 16 août 1944
    Les Task Force 1 et 2 continuèrent leur attaque sur Fromentel. Le bataillon avait tiré un tir de barrage très dur pendant la nuit et au matin. 32 missions observées furent conduites et reportées comme très efficaces, neutralisant les canons anti-char, dispersant l’infanterie ennemie et forçant leurs chars à se replier. Nombre de tirs : 3201. La Task Force 1 avança jusqu’à 1800 mètres [2000 yards] au sud de Fromentel et la Task Force 2 atteignit le nord de Lougé-sur-Maire. Le bataillon était en position pour la nuit au nord-ouest d’Annebecq.
Extrait de The Race across France by Charles R. Corbin Jr, 391ème History
traduit par Patrick Peccatte

Le combat loyal et les SS

Par Franck Woolner
Journaliste, Etat-Major de la Third Armored Division
Ecrit en 1990 

Le temps atténue la mémoire, mais je n’oublierai jamais un matin en Normandie quand nous avons été confrontés pour la première fois aux atrocités de la guerre. Ce fut [dans la région] d’Argentan-Falaise. Ma première unité "tueurs de chars", le 703ième, avait déjà appris que le combat c’était tuer ou être tué, mais je pense que nous estimions tous que l’affrontement serait mené correctement.

Ce fut le cas à vrai dire, lorsque nous nous sommes étripés avec les soldats allemands habituels, la Luftwaffe, ou même avec les parachutistes "frisés" [Kraut] terriblement efficaces. Les gars de Rommel, ceux avec leur palmier sur le brassard, étaient des clients coriaces, mais s’ils capturaient l’un des nôtres après un échange de coups de feu, il n’y avait pas d’exécution sommaire; ils nous souriaient, nous offraient un bon repas, un verre de schnapps et ils nous souhaitaient bonne chance en tant que prisonniers de guerre.

Ce n’était pas comme les SS. Jusqu'à l’extrême fin de la guerre, alors que des enfants étaient mobilisés dans leur bande sans endoctrinement, ils étaient entraînés comme des meurtriers. C’était l’escalade dans les atrocités. Je ne vais pas être hypocrite et dire que la 3rd Armored Division était innocente ; l’horreur était du style "un prêté pour un rendu". Mais ce ne sont pas nos propres hommes qui ont commencé.

Le matin dont je me souviens, [du côté de] Falaise, une patrouille de combat SS est venue et a capturé six de nos hommes. Juste avant le lever du jour, après une nuit passée à circuler machinalement avec les chars éclairés dans notre camp, j’étais en train de discuter a propos de la situation avec un jeune officier nommé Jack Wissing.

Apparemment, juste après l’avoir quitté pour prendre un repos bien mérité dans un fossé, la patrouille SS est arrivée. Je n’ai pas su pourquoi ils ont réussi, mais les "boches" [Krauts] déclaraient toujours dans leurs rapports que les américains avaient tendance à somnoler à l’aube. Wissing n’était pas fatigué, il était bien réveillé quand j’ai quitté les lieux. Mais bon, OK, nous en gagnons, nous en perdons.

Mais ces "bâtards" de chemises noires ont pris notre second lieutenant [shavetail] ainsi que 5 autres soldats derrière la haie voisine ; et ils les ont tous tués à l’exception d’un seul. Le seul survivant a été assez rapide pour courir et s’échapper. Il nous a tout raconté et l’évidence était sous nos yeux.

Je n’ai pas vraiment de problème avec le simple soldat allemand, il faisait juste son boulot comme nous le faisions ; mais encore maintenant j’aimerais bien trouver ces criminels SS et leur coller une bonne dose de plomb chaud. Tous ces types morts sans que cela soit nécessaire étaient mes amis. Le second lieutenant était l’officier de notre compagnie de reconnaissance et, parce que tout le monde était à court de main d’œuvre, hormis un sergent, j’ai été désigné pour prendre sa place en tant qu’officier de reconnaissance suppléant.

Voici ce que j’ai fait, et personne ne s’en est plaint. Il se trouve que je connaissais les cartes et l’orientation, et il se trouve aussi que j’étais suffisamment stupide pour ne pas avoir peur quand j’aurais dû être complètement effrayé. Nous les vieux soldats, savons comment c’était, nous obéissons aux ordres et nous tirons au flan tout pendant que cela semble faisable. Je n’en tiens pas rigueur à mon premier commandant de char ou au Lieutenant Colonel Barr ; ils savaient tout de moi ; ils savaient quand je méritais un petit compliment ou un coup de pied au derrière.

Ce qui s’est passé à Fromentel nous a tous conduit à un comportement atroce. Nous ne le souhaitions pas, mais comment réagir autrement envers des animaux qui ne respectent aucune loi ? L’homme qui a tué Rose (le commandant de la Division) a sans doute pensé que le Général cherchait son arme. Les bâtards qui ont tué mes amis savaient qu’ils étaient désarmés et sans défense.

Les gars de la Spearhead [le surnom de la Third Armored Division] ont pu se poser des questions, mais nous n’étions plus vraiment gentils avec les SS après ça. La Division n’a pas fait de mal aux prisonniers de la Wehrmacht, de la Luftwaffe, aux parachutistes ou à ceux de la marine ; nous les avons bien traité, nous avons échangé des boissons et eu de longues discussions avec eux. Rien de tel avec les SS.

Je souhaite que ces types meurent ; ce n’étaient pas des combattants corrects mais des meurtriers ; et je n’excuserai jamais cela. La guerre elle-même est une forme de meurtre et si nous autres humains n'apprenons jamais à réfléchir ensemble, alors cette ancienne calamité pourrait devenir une histoire de l’âge de pierre.

Les alliés étaient des soldats décents, comme l’étaient la plupart des soldats allemands qui nous étaient opposés ; nous étions tous tenaces et nous détestions blesser des innocents. Si j’ai eu à tuer, j’irai en enfer avec du sang sur mes mains, mais je n’ai jamais tordu le cou à un prisonnier sans défenses. Quelques-uns de mes collègues l’ont fait et j’ai fermé les yeux et mes oreilles comme si je n’étais pas concerné. Les victimes étaient toujours des SS. Nous avons commis des atrocités aussi, ou appelons cela justice expéditive à l’encontre de sous-hommes crétins connus pour avoir massacré sans raison.

En Belgique, durant la bataille des Ardennes, ces animaux ont fauché entièrement une équipe d’artilleurs américains capturés [note: le massacre de Malmedy]. J’ai personnellement vu un cas où ils avaient tué des hommes, des femmes et des enfants belges avec des coups de crosse de fusils. Soyons clair, les fautifs étaient tout le temps des têtes de mort SS. Je suis un ancien maintenant, et je n’ai pas de haine envers le soldat de la Wehrmacht ; il était simplement comme moi, forcé au service et à se battre pour sa nation.

J’en connais quelques-uns maintenant, comme moi, ils ont baissé les bras et ont admis combien tout cela était faux. Nous pouvons pêcher ensemble comme de vieux amis. Ils sont bienvenus dans ma maison du Massachusetts et ils m’ont invité a visiter la nouvelle Allemagne pour parler de paix et de sport.

Fighting Fair and the SS, by Franck Woolner
traduit par Patrick Peccatte


La Bataille de Fromentel

Le 8 août 1944 le Général Bradley, qui avait résisté à la contre-attaque du Général von Klüge (Commandant en Chef des Armées allemandes en Normandie), entreprenait d’encercler ses adversaires en faisant remonter ses blindés qui avaient atteint Mayenne, vers Alençon, Argentan et Falaise.
Le 16 août Argentan et Ecouché étaient pris, interdisant aux Allemands toute possibilité de retraite vers Paris par la route Nationale n° 24 bis. L’Armée allemande qui refluait de Mortain et de Flers, tentait alors désespérément de se maintenir à Fromentel, important carrefour qui lui permettait de s’échapper par Putanges, vers Evreux et le Nord de la France.
Parti de Rânes le 15 août, un détachement de la 3ème Armée Américaine [note 1] atteignait le 16 au soir les abords de Fromentel mais se repliait sur le village de La Lande de Lougé, au sud de la voie de chemin de fer.
Toute la nuit les habitants qui s’étaient cachés dans le bocage à 2 kilomètres au Nord de leur village, entendirent les échanges de tirs d’artillerie sur Fromentel et ses environs.
Les chars de la 3ème Division Blindée de la 3ème Armée Américaine [note 1] attaquent le 17 au matin mais se heurtent aux terribles chars Tigre de la 10ème Panzer SS retranchés dans des chemins creux tout autour de Fromentel, presque invulnérables  aux tirs des Sherman. Toute la journée le combat fit rage, les habitants de Fromentel, qui avaient fui au Nord, pour se mettre à l’abri dans la campagne, voient les avions d’appui qui piquent sur leur village en feu, entendent les explosions des bombes mêlées aux détonations plus sèches de l’artillerie des blindés.
Fromentel fut pris et nettoyé par les commandos, sans doute dans la nuit du 17 au 18 août, en tout cas les premiers fantassins américains prennent contact avec la population réfugiée au Nord de la Nationale 24 bis le 18 dans la matinée, distribuent chocolat et cigarettes et fraternisent par geste faute de parler la même langue.
Les civils rejoignent leur village le 19 : 14 maisons sur 30 sont détruites, on dénombre, côté allemand 2 chars Tigre et 4 chars de moindre puissance détruits et, côté américain, 13 chars Sherman détruits [note 2]; au moins 25 corps d’Allemands sont retrouvés, certains tués à l’arme blanche, les Américains ont relevé leurs morts et les blessés des deux camps.
Les pertes matérielles de la population sont considérables, certains ont presque tout perdu, même les objets précieux qu’ils avaient cru protéger en les cachant dans des bouveries, isolées loin du village. Mais par miracle il n’y a aucun mort parmi les habitants de Fromentel, seulement deux blessés légers par des éclats d’obus.
La reconstruction durera 5 ans mais nos libérateurs ont gagné une grande bataille qui permettra de chasser très rapidement les Nazis de la quasi-totalité du territoire français. Tous les Normands leur en sont encore très reconnaissants.

Note 1
: En fait, la Third Armored Division qui est entrée à Rânes le 15 Août 1944 faisait partie de la First Army commandée par le Général Courtney Hodges, et non de la Third Army commandée par le Général George Patton. La confusion est fréquente, même chez les américains ; voir l’article Pattons vs Hodges sur le site de la Third Armored Division
Note 2:  14 chars Sherman et 2 half track d'après Stéphane Robine, Quatre années de lutte clandestine : les résistants du Bocage ornais. Flers : Le Pays Bas-Normand, tome 2, 2005. p. 71 note 184

[feuillet dactylographié sans mention de date de rédaction ni d'auteur]

Soldats de la Third Armored Division tués du 14 au 19 août 1944 dans les combats de Rânes-Fromentel [92 tués]

La plupart de ces soldats sont enterrés au Cimetière Militaire de Saint-James, au sud d'Avranches.

14 Août 1944 [12 tués]
Baromich George 2 Lt 32nd Armor 8/14/1944 O1012218 Cavalry
Beese Harold W Sgt 83rd Recon 8/14/1944 36078023 Cavalry
Bowling Maxwell S S Sgt 23rd Engr Bn 8/14/1944 37120292 Engineers
Carpenter Nicholas D Major 32nd Armor 8/14/1944 0-327043 Infantry
Cox Frank J Tec 5 703rd TD Bn Armor (*)
Ferketich Joseph M Pvt 36th Inf 8/14/1944 36041401 Infantry
Griner Ralph A Pfc 83rd Recon 8/14/1944 6927262 Cavalry
Horton William F Pfc 36th Inf 8/14/1944 36118523 Infantry
Ruiz Louis R Pvt 703rd TD Bn Armor (*)
Titschinger John P Sgt 32nd Armor 8/14/1944 36038606 Infantry
Vetter William R Sgt 36th Inf 8/14/1944 36054025 Infantry
Wissing John L Jr 1 Lt 703rd TD Bn Armor (*)

15 Août 1944 [21 tués]
Abbott William P Pvt 83rd Recon 8/15/1944 42001561 Cavalry
Avveduto Joseph A Pvt 32nd Armor 8/15/1944 32196109 Infantry
Beebe Gale L Pfc 36th Inf 8/15/1944 36427991 Infantry
Camillo Samuel J Tec 5 32nd Armor 8/15/1944 31063903 Infantry
Childress James M Pvt 32nd Armor 8/15/1944 14012090 Infantry
Cotner Lester W Pfc 36th Inf 8/15/1944 37016204 Infantry
Curry Robert R Pfc 36th Inf 8/15/1944 37086881 Infantry
Davis Clyde J S Sgt 36th Inf 8/15/1944 14063793 Infantry
Debesis Michael J Pfc 36th Inf 8/15/1944 42101320 Infantry
Endrizzi Charles N Sgt 36th Inf 8/15/1944 36217363 Infantry
Gaugman Gerard T Pfc 36th Inf 8/15/1944 13127936 Infantry
Goff Ivan P Sgt 23rd Engr Bn 8/15/1944 36037125 Engineers
Hutchins Marvin T Tec 5 32nd Armor 8/15/1944 34177473 Infantry
Thompson John T Tec 5 32nd Armor 8/15/1944 34165301 Infantry
Turner Harold G 2 Lt 32nd Armor 8/15/1944 01012470 Infantry
Vondrak Robert J Pvt 32nd Armor 8/15/1944 36712563 Infantry
Wallace Lloyd M Pvt 36th Inf 8/15/1944 36833293 Infantry
Watterson Norman H Pvt 33rd Armor 8/15/1944 33311487 Infantry
Wells Jesse E Sgt 36th Inf 8/15/1944 38043906 Infantry
Werderitsch George Tec 4 32nd Armor 8/15/1944 36213030 Infantry
White Richard A 1 Lt 33rd Armor 8/15/1944 01012213 Infantry

16 Août 1944 [16 tués]
Abato Anthony J Pvt 32nd Armor 8/16/1944 12040890 Infantry
Arps Kenneth F Cpl 36th Inf 8/16/1944 36228034 Infantry
Bakkum Eugene R Cpl 67th FA 8/16/1944 37096416 Armor
Buckelew Joseph Pvt 36th Inf 8/16/1944 38566269 Infantry
Clarke Allen L S Sgt 36th Inf 8/16/1944 34098970 Infantry
Dzendzera Roman P Pfc 36th Inf 8/16/1944 36228284 Infantry
Faith Harold V Sgt 36th Inf 8/16/1944 36042829 Medical Corps
Frantz Robert Pvt 33rd Armor 8/16/1944 32213412 Infantry
Grubb Marvin L Pfc 67th FA 8/16/1944 35265927 Armor
Hancock John L Tec 4 67th FA 8/16/1944 20831379 Armor
Harmonson William F Pvt 32nd Armor 8/16/1944 33784803 Armor
Haskins Sam Tec 5 54th FA 8/16/1944 36119141 Armor
Juno Joseph Cpl 703rd TD Bn Armor (**)
McCoy John B T Sgt 36th Inf 8/16/1944 14023632 Infantry
Thorstensen Oden Tec 4 32nd Armor 8/16/1944 32207267 Infantry
Wilson Elmer L Tec 5 32nd Armor 8/16/1944 37016535 Infantry

17 Août 1944 [35 tués]
Agin Bennie Pfc 36th Inf 8/17/1944 36078461 Infantry
Arneth Edward J Pvt 32nd Armor 8/17/1944 12193321 Infantry
Barron Jason H 1 Lt 36th Inf 8/17/1944 O1295652 Infantry
Booher Jack J Pfc 36th Inf 8/17/1944 33750769 Infantry
Brocknan Joseph S Tec 5 33rd Armor 8/17/1944 15382245 Infantry
Chase Robert G Pfc 36th Inf 8/17/1944 17153063 Infantry
Chasse Raymond J Pvt 54th FA 8/17/1944 31217896 Armor
Ciccarelli Joseph R Pfc 36th Inf 8/17/1944 35758365 Infantry
Coschignano Peter A Cpl 33rd Armor 8/17/1944 32797010 Armor
Crist Joseph A Pvt 32nd Armor 8/17/1944 36630609 Infantry
Crosby John J Major 33rd Armor 8/17/1944 0-351583 Infantry
DeChiara Sabbatino Pfc 36th Inf 8/17/1944 32327990 Infantry
Dover Earlie L Pfc 36th Inf 8/17/1944 34098960 Infantry
Dunham Robert L Pfc 23rd Engr Bn 8/17/1944 33064796 Engineers
Esgueda Joe L Pfc 23rd Engr Bn 8/17/1944 38032630 Engineers
Foster Earnie A Pvt 36th Inf 8/17/1944 38591487 Infantry
Freburg Ralph V Pfc 36th Inf 8/17/1944 37120227 Infantry
Frink Dale Tec 5 36th Inf 8/17/1944 37119863 Infantry
Geyer Wilbur I Cpl 32nd Armor 8/17/1944 36313533 Infantry
Grimes Ray Pvt 32nd Armor 8/17/1944 36671688 Infantry
Hamilton James R Pfc 36th Inf 8/17/1944 33153383 Infantry
Hartman Celestine G Pfc 32nd Armor 8/17/1944 37016334 Infantry
Hernandez Henry Pfc 36th Inf 8/17/1944 34546281 Infantry
Hudson Arthur A Pfc 36th Inf 8/17/1944 34142904 Infantry
Hunt Leo R Pfc 32nd Armor 8/17/1944 38402340 Infantry
Lorenz Walter O S Sgt 36th Inf 36158031 Infantry
Moran Harry J Pfc 36th Inf 36149660 Infantry
Schopnann George Pvt 36th Inf 8/17/1944 42056909 Infantry
Thone Gordon B Pfc 36th Inf 8/17/1944 36212571 Infantry
Triplett Howard B Pvt 54th FA 8/17/1944 14007096 Armor
Weaver Robert H 2 Lt 32nd Armor 8/17/1944 01018597 Infantry
Williams David M Pvt 36th Inf 8/17/1944 34736246 Infantry
Zarger Grant O Pfc 32nd Armor 8/17/1944 37512068 Infantry
Zens Maurice C Pvt 32nd Armor 8/17/1944 36336255 Infantry
Zuver Lawrence A Pvt 23rd Engr Bn 8/17/1944 36157403 Engineers

18 Août 1944 [6 tués]
Bowman James A Pvt 32nd Armor 8/18/1944 13045464 Armor
DeYoung Gordon S S Sgt 33rd Armor 8/18/1944 36213421 Infantry
Doan William F T Sgt 36th Inf 8/18/1944 38057526 Infantry
Gardner Richard L Pvt 33rd Armor 8/18/1944 36698258 Infantry
Goodshield Peter Pvt 36th Inf 8/18/1944 37487993 Infantry
Tillman James W Sgt 36th Inf 8/18/1944 34174321 Infantry

19 Août 1944 [2 tués]
Chernek Rudolph D Sgt 33rd Armor 8/19/1944 33082520 Infantry
McIntire Lester C Pvt 991st FA 8/19/1944 13033192 Field Artillery

(*) Retrouvés morts le 14 Août 1944 à Rânes après avoir été faits prisonniers par une unité SS; cf. Le combat loyal et les SS, par Franck Woolner
(**) Après avoir détruit 2 Panzers (probablement auprès de l'ancienne Gare et du Ménil Angot), il a trouvé la mort en voulant aider les équipages des chars ennemis à s'extirper de leur engin en feu; un obus a explosé par la chaleur; cf. Link Up with the British et 703rd Tank Destroyer BN.

Sources:

3rd Armored Division Soldiers Who Gave Their Lives in World War II
American Battle Monuments Commision


En mémoire du 60ème Anniversaire de la libération de Saint-Georges-d'Annebecq

[texte édité pour l'inauguration de la Stèle pour la Paix dans le Monde, Saint-Georges-d'Annebecq, le Samedi 14 Août 2004]

Le 13 Août 1944, la 3ème Division Blindée U.S. sous les ordres du Major Général Maurice Rose démarre de Mayenne à 6h00. C'est une division blindée dite "lourde". Elle comprend 232 blindés de combat, principalement des chars Sherman. Son effectif est de 16000 hommes. Elle est divisée en trois groupes de combat (Combat Command) eux-mêmes divisés en deux groups tactiques (Task Force). Ces Tasks Forces, très mobiles et souples regroupent les différentes armes: blindés, infanterie, artillerie, génie, et sont dotées d'une puissance de feu impressionnante. La Task Force X s'empare de Pré-en-Pail, rencontre la 2ème D.B. du Général Leclerc au carrefour de la Lentillière, et traverse Carrouges libérée par les "Leclerc". A 20h00 une partie de la Task Force se trouve aux abords sud de Rânes.
Le 14 Août 1944 la Task Force essaye toujours de rejoindre Rânes. A Joué-du-Bois elle se heurte à une résistance allemande qui coûta son existence à cette malheureuse petite cité, détruite au cours des combats et sauvagement incendiée par les allemands en retraite. Dans tout le canton de Briouze, c'est le fracas de l'artillerie, les chars embossés dans les plants ou derrière les talus, qui se cherchent, l'infanterie qui chemine lentement à l'abri des forteresses d'acier. Une colonne, probablement de la Task Force Y, prend sous son feu les bourgs de Saint-Georges-d'Annebecq, de Faverolles et de Montreuil y causant de graves destructions, et libère Le Grais. A Saint-Georges-d'Annebecq, les SS habillés de noir, brûlent l'école, la mairie et quelques maisons du bourg. Le clocher de l'église est vrillé et détruit par un tir d'artillerie. Madame Maubert est tuée dans la cave de la maison de Madame Marguerite Hamel. Monsieur Ernest Gaudemer est blessé le même jour au même endroit.
Un avion P47 piloté par Paul Bailey (en fait il s'agit de Paul Dailey) est abattu au Val Martin. Le moteur d'environ une tonne encore en bon état, est exposé au Musée Omaha Beach de Vierville-sur-Mer.
Monsieur Isidore Clouart est le premier à hisser le drapeau tricolore sur le reste du clocher. Des bombes sont tombées sur les routes de La Chaux et des Burons. Un camion d'essence brûle sous un sapin près du carrefour de La Métairie. Un canon allemand tire d'Annebecq vers le bois Bellanger. Les américains ripostent aussitôt. La 9ème D.I. U.S. s'empare de Faverolles et poursuit sa route vers les Yveteaux. Il est probable que le Général Bradley était avec la Division.
Une trentaine d'Allemands habillés de vareuses vertes ainsi que des chevaux ont séjourné sous les pommiers du lieu dit Le Friche pendant trois semaines. des Russes enrôlés dans l'armée allemande étaient parmi eux. Des chars U.S. venant de Rânes par La Métairie ont endommagé le pont récemment refait, avant de prendre la direction de Faverolles en écrasant les haies sur leur passage. Les habitants de Saint-Georges-d'Annebecq reçurent chaleureusement les Américains en offrant le cidre de leur fabrication. Ils perçurent en échange des cigarettes, du chewing-gum et du chocolat. Les enfants ont vu ce jour là les premiers hommes Noirs de leur vie. Une douzaine de cadavres d'Allemands furent enterrés au cimetière. Un avion P47 venant de Carrouges a été abattu et termina son vol au Clos-Léger près de la rivière. Quelques jours après, Madame Elise Noire en voulant monter dans les restes de l'avion, appuya par imprudence sur les commandes de mise à feu des mitrailleuses. Une rafale de projectiles la blessa gravement et elle a perdu la vie. La libération de la région se situe du 14 au 15 Août 1944. La mairie, l'école et le clocher de l'église de Saint-Georges-d'Annebecq ont été reconstruits dans les années 50.

Forces allemandes en présence dans la région:
SS Panzer Divison 1:
Elements de la SS Panzer Aufklärungsabteilung 1
Elements du 3ème Bataillon du SS Panzergrenadier Régt. 1 et 2
2ème compagnie du SS Panzer Pionier Bataillon 1
3ème batterie du SS Flak Abteilung 1
7ème compagnie du SS Panzerregiment 1
SS Panzer Division 9:
Panzer Aufklärungsabteilung 9
SS Panzer Division 10
Toutes ces unités étaient équipées de chars Tigres et Panthers.

[sur les deux avions tombés à Saint-Georges-d'Annebecq, voir la page Autres Avions tombés dans la région de Rânes]

Deux photos de l'album du Sergent Walter Schreck du 36th Combat Infantry Battalion de la Third Armored Division

"Near Fromentel - the Purple Heart Place" - France -1944Près de Fromentel, l'endroit de la "Purple Heart" [nom d'une médaille militaire américaine]
Char américain détruit dans la bataille de Rânes-Fromentel ; remarquez le casque de métal sur le sol près du char



"Near Fromentel - the Purple Heart Place" - France -1944Près de Fromentel, l'endroit de la "Purple Heart" [nom d'une médaille militaire américaine]
Deux chars américains détruits


Chars camouflés à Lougé-sur-MaireChar Shermann de la Third Armored Division camouflé (probablement au carrefour de la Bruyère, sur la route de Fromentel)
Char appartenant probablement à une unité de reconnaissance de la Third Armored Division (83rd Armored Reconnaissance Battalion). Sur le panneau: Lougé-sur-Maire (2,4 km) à droite, La Bellangerie (1,3 km) et Montreuil-au-Houlme (2,5 km) à gauche. Les membres de l’équipage ont camouflé leur char à la perfection comme l’étaient systématiquement les véhicules allemands empruntant les chemins et routes normandes durant le mois d’août 1944.
Crédit: Conseil Régional de Basse-Normandie / National Archives USA

Convoi de blindés allemands détruits entre Carrouges et Rânes
Convoi de half-tracks allemands détruits entre Carrouges et Rânes
Convoi composé de SdKFz (SonderKraftfahrzeug, semi-chenillé allemand) visiblement détruits par l’aviation alliée. Cette photo pourrait avoir été prise à la Barbelière ou à la Robillardière où des convois identiques ont été détruits partiellement ou en totalité entre le 12 et le 14 août 1944.
Crédit: Conseil Régional de Basse-Normandie / National Archives USA
Attention, la localisation n'est pas certaine : cette image référencée p000007 et située route de Carrouges est identique à celle référencée p011294 située à Saint-Aubin-d'Appenai.


Deux soldats américains tués au carrefour de FromentelDeux soldats américains tués au carrefour de Fromentel
Deux soldats de la Third Armored Divison qui comme 90 autres GI’s laisseront leur vie au cours des engagements de leur unité entre le 14 et le 19 août 1944 à Rânes et pour le contrôle du carrefour de Fromentel. Notez la disposition atypique de la pelle réglementaire et la modification des guêtres du soldat de gauche.
Crédit: Conseil Régional de Basse-Normandie / National Archives USA


Positions de batteries du 486th AAARapport sur les positions des batteries du 486th AAA (Armored Anti-Aircraft Battalion) dans la région de Rânes les 14 et 15 Août 1944 (Le Ménil-Angot, La Barbelière, etc.)
Le 486th AAA était une unitée attachée à la Third Armored Division


Soldats américains vers BeauvainPhoto prise vers Beauvain
Soldats américains jouant aux cartes sur une route près de la Ferté-Macé (indiqué à 2,4 km), probablement à La Tourelle; sur la pancarte, La Ferté-Macé est indiqué à droite, Beauvain, Rânes et Écouché à gauche. La ligne blanche au sol supporte une inscription "FRONT" (mieux visible sur cette photo après accentuation forcée des contours); s'agissait-il du front à partir du trait ? à quelle date ? indication pour les blindés ? l'aviation ? Le blindé allemand situé en arrière plan est suffisamment rare pour être décrit : il s’agit d’un blindé éclaireur équipé d’un canon de 2cm Flak 38 (Aufklärer auf Fahrgestell Panzerkampfwagen mit 2 cm KwK38); très peu d’unités en étaient équipées, celui-ci a probablement appartenu à la 9e ou à la 1ere SS Panzer Division.
Crédit: Conseil Régional de Basse-Normandie / National Archives USA


Soldats américainsSoldats américains
Colonne de soldat équipés très légèrement. L’endroit de la photo nous est inconnu. Il semble que la pierre située à droite sur la photo figure une image pieuse (peut-être un élément de piste pour identifier l’endroit précis).


Panzer IV près de la ferme BlondelPanzer IV près de la ferme Blondel
Panzer IV (ausf. G) abandonné devant la ferme Middy/Blondel lors des combats de Rânes. Le numéro de tourelle clairement visible «  813 » pourrait peut-être nous en dire plus sur son unité et sur son équipage.

Panzer IV près de la ferme BlondelMême Panzer IV pris sous un autre angle, depuis la route de Rânes-Carrouges. Ce char a été référencé sur des croquis de bataille américains comme un élément anti-char (Tank Destroyer).


Panzer près de la voie ferréePanzer près de la voie ferrée
Panzer IV (ausf G) abandonné sur la ligne de chemin de fer de Rânes ; le dénivelé de la voie offrait un bon camouflage. Sa tourelle a été traversée par un obus US probablement tiré par un Tank Destroyer M10 du 703rd Tank Destroyer Battalion de la Third Armored Division. qui relève dans ses rapports des engagements farouches autour d’une voie ferrée a proximité de Rânes.


canonCanon allemand
Canon de Flak 88mm (anti-aérien) allemand abandonné au Ménil-Angot, dans un champ bordant la N809. Les cercles blancs peints sur son canon figurent les victoires obtenues par cette pièce. La photo présentée dans notre page sur Giamalva représente la même pièce d’artillerie photographiée par le Sergent Walter Schreck du 36th Combat Infantry Battalion de la Third Armored Division). Les roues semblent avoir été récupérés par les civils.


CharChar allemand détruit
Char allemand Panzer Sturmgeschutz III détruit dans l’un des champs bordant la N809 reliant Rânes à Carrouges. Le char est encore en feu sur la photo et sa chenille gauche est sortie de ses galets; c’est sans doute la raison qui a poussé l’équipage à abandonner le char. La 1ere SS Panzer Division LAH  notamment était équipée du même modèle de char.


CharDeux Rânais sur un char au Ménil-Angot
Char Américain Stuart M8 équipé d’un obusier. La petite fille est Marie Guichard, née en 1938, l'homme à ses côtés est Marcel Lesueur. Aucune autre photo ou document ne référence la perte d’un tel char à Rânes.


ShermanSherman
Premier char Sherman détruit à l’entrée de Rânes lors de l’arrivée du groupement de reconnaissance de la Third Armored Division le 13 août 1944 au soir. Le pilote ainsi que le co-pilote (et mitrailleur) perdront la vie carbonisés à l’entrée de Rânes, à proximité de la maison Gontier où des corps à corps seront engagés. Les trois autres membres d'équipage, réfugiés dans une impasse de la forge Leroy, perdront la vie également.
La photo montre ce char quelques jours après la Libération après qu'il ait été déplacé jusqu'à un champ à droite de la N809. Les sacs de sables en guise de renfort de blindage qu’Arno Scheibchen, chef de char de la 2eme Panzer Division, décrit dans son récit sur ses combats à Rânes (cf D’Argentan à la Seine, Didier Lodieu, Ysec, 2003) sont encore visibles; ils n’ont pas permis néanmoins de contrer le tir de Panzerfaust ou Panzerschreck fatal au Sherman.


Sturmgeschutz III L'Aunay Sorel
Sturmgeschutz III
(Légende sous réserve). Cette photo aurait été prise à l'Aunay Sorel. Compte tenu des trous sur le blindage avant du char, il ne peut avoir été détruit lors du bombardement aérien du 10 août 1944.
Nous estimons qu'il aurait été détruit lors des combats des 14 et 15 août puis remorqué jusqu'à l'Aunay Sorel.
Nous ignorons le nom du jeune garçon.


Panzer IV au Ménil Angot
Panzer IV n° 8. Il s'agirait du char de commandement de la compagnie 8 dont faisait partie le char 813 du Menil Angot (voir ci-dessus). (Collection inconnue)
Voir aussi les pages 24 à 27 de la revue 39-45 Magazine hors-série n° 4 (mars-avril 1988) reproduites ici avec l'aimable autorisation des Éditions Heimdal

Voir également la plaque en l'honneur des soldats de la Third Armored Division à Rânes et la plaque commémorant la bataille au carrefour de Fromentel.


Nicholas D. CARPENTER HQ Co/1st Bn -- 32nd AR
Missing In Action, August 14, 1944


Major CarpenterLe Captain Nicholas Drewry Carpenter est né le 25 Janvier 1915 à Elberton, Elbert County dans l’état de Géorgie. Il s’engage dans l’armée bien avant Pearl Harbor et est promis à une belle carrière militaire. Il rejoint la Third Armored Division dès ses débuts et débarque en France à la fin Juin 1944 avec l’ensemble de la Division pour participer aux combats de Pont-Hébert, Saint-Lô et Mortain.
Le 13 août 1944, la Third Armored Division se met en marche depuis Mayenne. Son objectif est de prendre Rânes, puis Putanges et de faire jonction avec les Anglais arrivant du Nord au plus vite.
Le Combat Command A prend la tête de la colonne. Ainsi, la Task Force X s’engage en direction du Ribay, et la Task Force Y s’engage sur un axe parallèle en direction du Horps. Le CCB quand à lui suit la progression en arrière puis vient le CCR, la réserve de la division.
Nicholas D. Carpenter est à la tête de la colonne du 32nd Armored Regiment avec la TFX, il épaule le Lt. Col. Blanchard dans la gestion des Compagnies A, D et G du 1st Battalion.
La Reconnaissance Co du 32nd Armored Regiment suivi du reste de la TFX progresse à travers Le Ribay, puis par Javron-les-Chapelles, St Cyr-en-Pail, et Pré-en-Pail. Face à l’opposition rencontrée à Javron et Pré-En-Pail et dans le souhait d’une avance rapide, la TFX contourne ces deux villes et laisse le soin au CCB de prendre Javron-les-Chapelles, tandis que la 90th Infantry Division doit s'emparer de Pré-en-Pail.
Pendant ce temps, La TFY progresse lentement et arrive aux abords de St Aignan-de-Couptrain. Nous sommes à la mi-journée du 13 août 1944. La TFY fait halte face à St Aignan pour le repas, et la TFX, après être passé par St Samson s’arrête à La Lacelle. Elle en profite pour se réorganiser et passer la compagnie G en tête de colonne au lieu de la Recon Company qui est jugée trop faible pour une avance rapide. En effet, ses blindés légers (principalement des M-8 Armored car) sont immédiatement détruits lorsque qu’ils sont touchés, ce qui a été le cas sur Pré-En-Pail et ce qui provoque un arrêt de l’avance.
A 14h00, l’avance reprend, pendant que la TFY accuse des pertes sur Couptrain, la Task Force X rencontre les Français de la 2eme DB au carrefour de La Lentillière, immédiatement après La Lacelle. Les routes sont encombrées, mais les Américains décident de s’engager dans la colonne Française qui remonte vers Ciral. S’apercevant que la route n’est pas ouverte devant eux et qu’ils gênent la progression des Français, la TFX se place dans les champs bordant la route et laisse passer les forces Française. Ils attendent alors que Carrouges soit libérée pour pouvoir reprendre leur avance. Il est 16h00 quand Carrouges est libre de toute présence allemande. La Task Force X à perdue beaucoup de temps et doit donc progresser vite en direction de Rânes avant la nuit. Nicholas D. Carpenter dirige toujours la progression des chars de tête du 32nd Armored Regiment sous les ordres du Lt. Col. Blanchard qui se trouve en milieu de convoi et qui reste en contact permanent par radio avec Carpenter et le Colonel Doan qui commande la Task Force X.
La progression s’avère difficile à cause des véhicules allemands détruits par l’aviation qui encombrent la route. La Task Force X se retrouve au carrefour du Pont d’Atrel, après Carrouges et remonte donc vers Rânes qui n’est plus qu’à 9km. Les platoons d’infanterie du 36th AIR marchent le long des haies alors que les Sherman de la compagnie G slaloment entre les épaves.
Les troupes Allemandes qui avaient fait de Joué-du-Bois un de leurs bastions se trouvent un peu surpris d’être dépassées par l’Est et organisent donc une résistance. Alors qu’un tiers de la colonne de la Task Force X a dépassé le carrefour du Pont d’Atrel, les 88mm font feu sur le reste de la colonne et stoppent sa progression. Le Lt. Col. Blanchard se retrouve donc en 1ère ligne alors que le Capt. Carpenter se trouve à la tête d’un groupement isolé à l’approche de Rânes.
A 18h30, le groupement Carpenter arrive aux abords de Rânes et décide d’attaquer la ville alors qu’à l’arrière, le Pont d’Atrel est toujours bloqué. Pas de renforts possible, seuls les P-47 et P-38 assurent la couverture aérienne. Les éléments avancés du groupement Carpenter sont attendus à Rânes et tombent dans un guet-apens qui coutera la vie à 5 tankistes et des Doughs du 36th AIR. Un repli est décidé et la libération de la ville est reportée au lendemain.
Le carrefour du Pont d’Atrel est enfin débloqué à 22h00 et le reste de la TFX peut venir renforcer le groupement Carpenter. Le Lt. Col. Blanchard, blessé lors des actions au précédent carrefour, a été évacué à l’arrière. Le Captain Carpenter se retrouve donc à la tête du 1st Battalion du 32nd Armored Regiment le soir du 13/08/44. Le bivouac s’organise pour la nuit à quelques kilomètres au sud de Rânes et Carpenter doit donc planifier avec le Colonel Doan la prochaine attaque sur Rânes dès le lendemain matin à 8h00.
14/08/1944
Les chars du 32nd Armored Regiment se mettent en marche à 8h00 mais l’atmosphère est lourde, les premiers avions sur place relèvent une activité ennemie très importante au Nord et à l’Ouest de Rânes, plusieurs mouvement de troupes et de chars sont repérés en direction de la position de la TFX.
Nicholas Carpenter, au lieu d’engager ses chars à l’aveugle, décide de mener une action de reconnaissance rapide au devant de ses chars. Plutôt que de déléguer cette tâche, il demande au 1st Lt. Heiss de la compagnie G de venir avec lui et ils partent tout deux à l’avant. À mesure qu’ils progressent le long du champ où sont stationnés leurs chars, ils entendent des mouvements dans les bois proches. Ne sachant pas où se trouve la TFY, il attend un contact visuel pour agir. Un groupement d’une dizaine d’allemands sort alors des bois, il les fait prisonniers et les ramène vers ses propres lignes. Après qu’ils aient été pris en charge à l’arrière, il retourne à sa mission de reconnaissance avec l’appui du Lt. Heiss et sûrement de quelques Doughs du 36th AIR. Arrivé à l’endroit de la rencontre avec ce groupement d’allemand, il est fauché par une rafale et tombe immédiatement. Très vite, un médecin Allemand accompagné d’un officier viennent à leur rencontre.
Ces deux allemands se penchent sur le Capt. Carpenter mais le laissent au sol. Ils arrivent au niveau du Lt. Heiss et voyant ses insignes de 1st Lt. flambant neuf au col, ils pensent avoir affaire à un officier supérieur. Ils laissent alors le Capt. Carpenter à son sort et emmènent le Lt Heiss.
Après s’être mis à couvert dans les bois, le Lt. Heiss est fouillé en bonne et due forme. Il pense être perdu lorsque les allemands trouvent un Walther P-38 dans sa poche de pantalon. C’est alors qu’il est emmené dans une ferme où se trouvent des dizaines d’Allemands en tenue de combats. Abandonné à son sort quelques instants, un des soldats vient vers lui, lui donne une cigarette et lui sert la main avant de rejoindre son groupe. Immédiatement après, il se retrouve de nouveau avec le médecin et l’officier qui l’a fait prisonnier. Ils partent ensemble dans un chemin creux où se trouve un camion parfaitement camouflé. Ils font monter le Lt. Heiss à l’arrière et grimpent tout deux à l’avant, puis ils démarrent. Se retrouvant seul à l’arrière du camion et effrayé à l'idée d'être mitraillé par un avion de chasse américain, il saute sur la route en prenant soin de ne pas aggraver sa blessure au bras, puis il rejoint ses propres lignes, guidé par le bruit des combats et des moteurs de Sherman qu’il sait reconnaitre. Il sera alors pris en charge et évacué à l’arrière.
En 1945
En Mai 1945, le Capt. Carpenter est toujours déclaré Missing In Action. Sa femme, Betty Carpenter, qui s’occupe de ses deux filles dans la maison familiale de Georgia, garde au fond d’elle l’espoir qu’il ne soit pas mort, mais tout simplement prisonnier et qu’il revienne à elle en vie.
Le cousin du Capt. Carpenter, le Lt. Hardin de l’Air Corps est stationné en 1945 en Allemagne. Il est conscient de l’espoir de Betty et se doute bien du sort tragique arrivé à son cousin. Plutôt que de rester dans l’attente, il emprunta une Jeep et, avec un de ses camarades de Louisiane qui parlait couramment le Français, il décida de se rendre à Fromentel, qui lui avait été indiqué comme haut lieu de combat de la Third Armored Division à la mi-août 1944.
Arrivé sur place, il se rend compte que la région est dévastée, plus un bâtiment ne tient debout. Il prend contact avec le maire de Fromentel, qui lui indique qu’à la date du 14 août, les combats se situaient du côté de Rânes, à 11km de Fromentel. Il se présente donc en mairie de Rânes en demandant si personne n’avait entendu parler d’un capitaine américain mort dans le secteur. Le maire n’était pas très coopératif, mais le garde champêtre qui se trouvait à la maire lors de la visite de ces deux Américains, fut interpellé par cette histoire.
Effectivement, le garde champêtre connaît une tombe, réputée être celle d’un capitaine américain, dans les bois au sud du village. Ils grimpent alors tous dans la Jeep et se rendent sur place. La tombe est là, une croix en bois en guise de marquage. Dans les champs alentours, plusieurs épaves de Sherman sont là, tous ont des marquages du 32nd Armored Regiment.
Persuadé qu’il s’agit de la tombe de son cousin, le Lt. Hardin se rend alors à Versailles, au bureau d'enregistrement des tombes américaines. Aucune information ne se trouve dans leurs dossiers, cette tombe est inconnue. Le Lt. Hardin leur indique donc la position de la tombe sur une carte  dans le but d’aller relever ce capitaine oublié.
Quelques semaines après, il a la confirmation qu’il s’agissait bien de son cousin, le Captain Carpenter et assuma la lourde tâche de l’annoncer à Betty, préférant qu’elle sache l’exacte vérité plutôt qu’elle ne s’attache à l’espoir impossible qu’il revienne un jour à elle.
Il fut alors enterré au cimetière de St Laurent où il repose actuellement aux côtés de ses frères d’armes.
Il était destiné à devenir Major dans les jours qui précédèrent sa mort et occupait déjà ces fonctions au moment de son décès. Il est donc probable qu’il fut promu au grade de Major avant d’être enterré ou alors qu’il soit passé Major aux alentours du 13 août 1944, ce qui expliquerait le fait qu’il ne portait pas d’insignes au col.
(récit par Alexis Boban)