"Après
l'invasion allemande de la Belgique et des Pays-Bas, beaucoup de civils
partent sur les routes de l'exode en direction de l'Ouest et du
Sud-Ouest de la France. Ainsi, les Rânais racontent cet
événement comme un "flot de belles voitures, puis
des voitures à chevaux et enfin des gens à pied
ou à vélo". Ces
réfugiés venaient des pays du
Bénélux, des Ardennes, de Boulogne, puis de
Paris. Ils se logeaient au château pour les plus riches, et
le plus souvent dans les maisons des villageois ou même dans
les granges. Ils ne restaient que la nuit pour repartir le lendemain
matin plus loin encore. En effet, Rânes n'était
qu'une étape de passage. Mais il y a quand même eu
une famille de pêcheurs du nord de la France à
s'installer à Rânes et à demeurer
encore dans la région aujourd'hui."
Extrait
de: Claire Forget,
La
vie quotidienne durant la deuxième guerre mondiale dans le
village de Rânes, 1939-1945. Mémoire
de DEUG (Histoire), Université de Caen, 1995. p. 3
Le périple des familles de
marins
depuis Étaples jusqu’à Rânes
La famille Groult vivait avant la guerre près
d’Étaples,
à côté du Touquet, dans le
Pas-de-Calais. Le
père était marin pêcheur et cette
activité
permettait de faire vivre modestement toute la famille avec ses trois
petites filles : Marie, Hélène et Simone. M.
Groult est
mobilisé en janvier 1940 et il est fait prisonnier
rapidement.
Il est alors envoyé en captivité; comme ses
compagnons
d’infortune, il doit effectuer à pied le trajet
vers son
lieu de détention en Allemagne. En mai, beaucoup de soldats
passaient dans la région d’Étaples; les
gens disaient
qu’il s’agissait de soldats hollandais, mais
c’étaient plus probablement des soldats allemands.
La
situation devient vite intenable pour la famille privée de
ressources dans une région en guerre. Ils
décident donc
de partir en catastrophe sur le bateau du grand-père. De
nombreux marins des environs font de même.
L’embarcation
est ensuite remorquée par deux autres bateaux et la famille
Groult débarque à
Saint-Valéry-en-Caux.
Le 21 mai
1940, de nombreuses familles de marins de la région
d’Étaples sont regroupées à
Port-en-Bessin dans le
Calvados. Certains choisissent alors de partir vers le Canada, mais la
famille Groult refuse de quitter la France de peur de perdre contact
avec le père prisonnier. Tous ces
réfugiés ainsi
regroupés sont ensuite répartis et
envoyés dans
différentes destinations par les occupants allemands.
C’est ainsi qu’ils arrivent par le train
à la gare
d’Écouché. Une quarantaine de personnes
monte ensuite dans
trois camions et débarque à Rânes le 14
août
1940. Ce sont tous des familles de marins
d’Étaples dont la
municipalité doit organiser dans l’urgence le
logement.
Ils sont restés dix jours dans la salle des fêtes
de la
route de Carrouges, où les femmes avaient obligation de
faire la
lessive pour les Allemands. Ils ont occupé ensuite des
maisons
libres réquisitionnées. M. Groult a
été
libéré en 1943 au titre de la "relève"
et a rejoint
sa famille à Rânes. Après la
Libération, une
famille sinistrée de Rânes a remplacé
la famille Groult qui a été envoyée
à
Boucé dans
un logement appartenant au docteur Lescroart. Après la
guerre,
la famille Groult qui avait tout perdu à Étaples
est
restée dans sa région d’adoption
à
Sérans près
d’Écouché.
Témoignage
de Marie
Groult, 26 novembre 2006
Guilain
Chombeau, réfugié
du Nord, à Rânes depuis 1940
Les
cousins Chombeau ont quitté
Halluin dans le Nord en 1940 afin de fuir les restrictions alimentaires.
Photo prise à la sortie du bourg, route de Fromentel,
après la Libération. La boucherie Chauvin
dévastée par le bombardement du 14 août
1944 est en
arrière plan.
Guilain Chombeau a travaillé successivement chez
Georges Buffon à Joué-du-Plain, à la
ferme Papin puis chez Jean Peccatte aux Beauchards.
Guilain
Chombeau et son cousin Gabriel Chombeau, après la
Libération
Tous deux réfugiés
du Nord, à Rânes depuis 1940
Gabriel a travaillé
chez la comtesse de Fontenay à Boucé, puis chez
Jean Peccatte aux Beauchards.
Photo prise
par Denise Guillouard, coiffeuse à côté
de l'église (le chien de Mme
Guillouard est également sur la photo...)
L
es
cousins Chombeau et Eugène Houte, également
réfugié du Nord.
Eugène
a
travaillé chez la comtesse de Fontenay à
Boucé.
Laisser-passer
rédigé par le Dr Pasquier, chef des FFI
d'Ecouché, autorisant
Gabriel Chombeau, Ghislain Chombeau et Eugene Houte à
regagner
Halluin dans le Nord.
Le billet n'est pas daté (certainement
1945).
Jacques
Poënçin habitait Paris et
séjournait
très souvent à Rânes pour fuir les
restrictions
alimentaires.
Il logeait chez Guillouard et travaillait chez Bouchard
(photo prise en 1946).